Quand la famille pousse à la recherche

SCIENCE. Âgée de 25 ans, Marie-Julie Allard, originaire de Sainte-Thècle, réalise son doctorat en neuroscience à l’Université McGill. Son travail de recherche se concentre sur le trouble du spectre de l’autisme (TSA). La particularité de son histoire: c’est sa sœur atteinte du syndrome du Cri du Chat qui a été l’élément déclencheur afin qu’elle se dirige vers le domaine des recherches sur les maladies infantiles rares.

La jeune sœur de Marie-Julie se nomme Laurianne. Elle a 21 ans et est atteinte d’une maladie très rare, le syndrome du Cri du Chat (1/20 000 à 1/50 000 enfants en sont atteints). Le syndrome est causé par une anomalie chromosomique qui mène à un retard mental et psychomoteur important. «Ma sœur a l’âge mental d’une fille de 2 ans. En raison d’une déformation du larynx, elle ne peut pas émettre tous les sons. Elle communique avec le langage des signes. Le syndrome est nommé ainsi parce qu’à la naissance, le bébé pousse un cri ressemblant à un miaulement», explique Marie-Julie.

Cette dernière a toujours été proche de sa sœur. «C’est moi qui gardais ma sœur lorsque j’étais plus jeune, ce qui fait que j’ai toujours été proche d’elle. Je ne cache pas que c’était plus difficile pour moi à l’enfance, puisque j’ai eu beaucoup de responsabilités à un jeune âge. Ma sœur, c’est une boule d’amour. Elle ressent beaucoup nos émotions. Si je suis triste, elle devient triste, un peu comme un miroir au niveau des émotions. Ç’a été bon pour moi afin que je gère mes émotions.»

Comment la famille Allard compose-t-elle avec une maladie grave pour la cadette Laurianne? «C’est certain que c’est difficile de voir quelqu’un de proche avec un handicap sévère, mais au moins, on se trouve chanceux puisque ma sœur n’a pas de problème de santé. Mes parents ont été exceptionnels. Ils nous ont fait voir son handicap de façon positive en disant qu’elle est avec nous parce qu’on est une bonne famille. Je reste en bonne relation avec ma sœur, quand je peux, je vais encore la garder chez mes parents. Ça fait spécial de dire que je joue à la plasticine avec ma sœur de 21 ans, mais j’y prends plaisir. Ça me garde jeune! Elle nous rappelle toujours qu’on est chanceux d’être en santé et de ne pas avoir de déficience. Souvent je m’arrête pour me demander de quoi je me plains!»

Son parcours

Après son Cégep, Marie-Julie a choisi de réaliser un baccalauréat à l’Université de Sherbrooke en pharmacologie, profil recherche. Puis, elle a vu une note avec une possibilité de faire un stage sur la recherche en paralysie cérébrale au laboratoire de neurologie pédiatrique du Dr Guillaume Sébire (professeur associé à l’Université de Sherbrooke, et professeur titulaire à l’Université McGill). «Ça m’intéressait beaucoup d’aller dans ce laboratoire et le cours était dans mon projet de recherche et il était lié avec le comportement animal», explique-t-elle.

Elle a terminé sa maîtrise après un an et demi d’études en août 2015.

Marie-Julie a fait des demandes de bourses, puisqu’au doctorat, le laboratoire doit payer l’étudiant à même son budget s’il n’obtient pas de bourses, ce qui brime les recherches. «Les fondations sont tellement importantes pour un laboratoire. Je suis heureuse d’avoir reçu une bourse de 30 000$ du Fonds de recherche du Québec-Santé (FRQS), et 30 000$ provenant de la Fondation des étoiles. Ça semble être un bon salaire, mais le 60 000$ est divisé sur 3 ans, alors j’ai 20 000$ par année. Sans ces bourses, ça aurait été plus difficile pour moi puisque j’aurais eu moins d’argent provenant du laboratoire pour mes recherches. J’aimerais aussi souligner l’importance de la Fondation de l’hôpital de Montréal pour enfants.»

Ses objectifs

Marie-Julie aimerait trouver une solution afin de bloquer les molécules qui entraînent le TSA lors de la gestation (voir tableau). «À long terme, je veux aussi me pencher sur le syndrome du Cri du Chat dont ma sœur est atteinte. J’aimerais aussi pousser mes recherches sur l’autisme puisque ça touche beaucoup de personnes. Tous les syndromes qui touchent les enfants me préoccupent.»

La femme qui comprend le langage du rat

Pour ses travaux de recherches, la jeune femme travaille avec des rats. Elle administre une dose à une rate en fin de gestation. Puis, lors de la naissance, elle isole le raton de sa mère. L’animal émet certains types de cris, et elle est en mesure de déceler si le bébé est atteint d’un trouble du spectre autistique ou non. «Au laboratoire, je me fais taquiner en disant que je parle le rat à cause que je reconnais les vocalises», affirme-t-elle en riant.

Son travail de recherche

Le Streptocoque de groupe B (SGB) est une bactérie qui infecte 10-30 % des femmes enceintes en santé. Actuellement, lors du dépistage positif à la 35e semaine de grossesse, des antibiotiques sont donnés à la future maman afin d’éviter l’infection du nouveau-né. Toutefois, ce traitement antibiotique n’agit que sur la bactérie, sans calmer l’inflammation qui accompagne l’infection durant la grossesse. Ces effets combinés de l’infection et de l’inflammation sont dangereux pour le placenta (chorioamnionite). Cette inflammation placentaire provoque des naissances prématurées et des dommages cérébraux du bébé. Des études montrent que l’infection/inflammation gestationnelle, la prématurité et les lésions cérébrales périnatales conséquentes sont associées à divers troubles psychiatriques comme les troubles du spectre autistique (TSA). L’hypothèse de recherche de Marie-Julie est que l’infection maternelle au SGB en fin de gestation induit une réponse inflammatoire maternofoetale qui provoque des dommages cérébraux dans la progéniture, se traduisant par des traits comportementaux de type TSA. Pour vérifier cette hypothèse, un modèle animal (rat) d’infection gestationnelle a été précédemment développé au laboratoire, où une dose de SGB vivant est administrée à la rate en fin de gestation. Les résultats préliminaires montrent que l’inflammation induite par le SGB mène à des dommages cérébraux dans la progéniture et à des traits autistiques, qui varient selon le sexe, touchant plus particulièrement les mâles.

Les recherches plus poussées sur les infections maternelles permettront de fournir de nouvelles évidences du rôle dans la physiopathologie de l’autisme d’un facteur environnemental commun, et modifiable, durant la grossesse. Enfin, les résultats de son projet pourraient permettre d’offrir de nouvelles perspectives de traitements préventifs de l’autisme, ou de leur sévérité.

Source: Fondation des étoiles