Un appart pour Marie-Christine

COMMUNAUTÉ. Depuis le décès de ses parents, Marie-Christine, 53 ans, habite chez son frère. Pour elle et pour 18 autres personnes de la région vivant avec une déficience intellectuelle (DI) ou un trouble du spectre de l’autisme (TSA), des parents ont créé l’organisme «J’ai mon appart’», qui aspire à offrir au moins 12 appartements supervisés à Shawinigan, un projet de 2,6M$.

«Ma mère est décédée en 2010 et mon père en 2014. Je leur ai toujours promis que je m’occuperais de ma sœur Marie-Christine quand ils ne seraient plus là», explique Jean-François Morand, 57 ans. «Je tiens ma parole. Je lui ai aménagé un appartement à elle au sous-sol et elle vient manger ses repas avec nous», explique-t-il.

À l’aube de la retraite, il se retrouve donc avec sa sœur à sa charge depuis quatre ans. «C’est évident que ce n’était pas prévu d’avoir un enfant à la maison à ce moment-ci de ma vie. Il va arriver un moment où je ne serai plus en mesure, moi non plus, de prendre soin d’elle», envisage-t-il.

Assez autonome, Marie-Christine est capable de rester seule à la maison, mais sous une certaine supervision. «Ce qui est difficile pour elle c’est la gestion monétaire, cuisiner avec autre chose que le four micro-ondes ou comprendre l’heure», explique-t-il.

Depuis qu’elle habite avec son frère, Marie-Christine a intégré le marché du travail et l’école aux adultes, deux activités où elle se plait énormément et où elle a développé un réseau. «Aujourd’hui, il y a tellement de ressources, nous voyons de plus en plus les personnes avec une déficience intellectuelle, elles sont intégrées à la société», souligne M. Morand.

Un service inexistant dans la région

La réalité de Marie-Christine et Jean-François est celle de plusieurs parents et proches de Shawinigan et des environs.

«Dans toute la Mauricie et le Centre-du-Québec, il n’y a pas d’appartements supervisés. Il n’y a qu’une seule maison, à Louiseville», appuie Michèle Lafontaine, maman de Félix Lapointe et cofondatrice de l’organisme.

Elle estime que son fils, qui a une déficience intellectuelle, a été très encadré jusqu’à l’âge de 21 ans, après quoi, les services manquent. «En ce moment, la seule option pour mon fils de 24 est de quitter la maison… pour aller en famille d’accueil. Ça ne fait pas vraiment de sens», poursuit-elle.

Félix, lui, rêve d’avoir son appartement. «Il commence à trouver ça contraignant d’habiter chez ses parents. Il veut inviter des amis, sortir, se commander de la pizza, avoir une blonde, se coucher tard. C’est clair qu’il veut un appartement, mais ça n’existe pas.»

Elle aussi se questionne pour le futur. «Je ne veux pas imposer cette réalité à ses sœurs et je veux qu’il ait des ressources pour qu’il puisse continuer de se développer.»

Un projet de 2,6M$

Les parents du territoire se sont donc regroupés ce printemps pour former l’organisme à but non lucratif «J’ai mon appart’».

Le projet a été déposé à la Société d’habitation du Québec et plusieurs démarches sont déjà en cours. Si le projet sera possiblement admissible à des subventions, l’organisme devra tout de même amasser au moins 1,2M$ dans la communauté. Plusieurs activités de financement seront organisées dans les prochains mois.

Déjà 19 personnes âgées de 19 à 53 ans sont sur la liste d’attente pour ce projet embryonnaire, signe du besoin dans la communauté. Les locataires pourraient prendre possession de leur appartement d’ici trois ans, soit en 2021.

D’autres démarches ont déjà été entreprises dans le passé, sans succès. Les instigateurs du projet espèrent que la mobilisation des parents sous forme d’organisme pourra, cette fois, permettre à leurs enfants de dire enfin… «J’ai mon appart’!».