Ces vétérans, nos héros!

RENCONTRE. Le 6 juin 1944, des milliers d’alliés débarquent sur les plages de la Normandie en France afin de franchir les barrières allemandes. Le Shawiniganais Albert Pellerin qui fait partie du Corps des Ingénieurs se trouve dans un camp en banlieue de Londres en Angleterre. En compagnie de ses frères d’armes, il attend son tour. Son régiment traversa la Manche entre les deux pays à la fin de juin pour mettre le pied sur les plages de Normandie. Il y a eu plus de 70 débarquements entre le 6 juin et le 25 août 1944. Voici le héros Albert Pellerin.

Aujourd’hui âgé de 97 ans, M. Pellerin détient une mémoire fantastique. Il accueille l’auteur de ces lignes dans sa chambre des Jardins du Campanile du secteur Shawinigan-Sud. Dans son fauteuil roulant, il présente sa main, une palette! Une poignée de main de fer encore à son âge! Très humble, c’était comme si tout le monde aurait pu traverser la Deuxième Guerre mondiale avec facilité.

  1. Pellerin est né à Saint-Boniface le 29 août 1921. Il est l’aîné d’une famille de cinq enfants. En 1934, ses parents déménagent à Shawinigan.

Au printemps 1941, il s’enrôle dans la réserve du Régiment d’infanterie de Joliette. C’est le 26 février 1942 qu’il s’est enrôlé volontairement pour l’armée active dans le Corps des Ingénieurs. À sa surprise, son oncle Cyprien s’est enrôlé la même journée.

Pourquoi s’être enrôlé volontairement? «Il y avait beaucoup de propagande. On suivait ça attentivement dans les journaux et à la radio. La fin de semaine, on allait au théâtre Roxy, et on voyait des films des nouvelles de la guerre avant le film. J’aimais mieux y aller comme volontaire que d’y aller de force à mes 21 ans. Je ne suis pas une personne qui aime se faire prendre de force. J’avais plus le sentiment d’embarquer dans une équipe pour aider!»

Après des mois d’entraînement, M. Pellerin fait partie à la mi-juin 1942 d’une flotte de 32 bateaux, des Cruisers, Destroyers et porte-avions, et il traverse l’Atlantique à bord de l’Empress of Japan en compagnie de 4000 militaires. La traversée entre Halifax et l’Écosse dure sept jours. «On est descendu vers le Vermont et le Maine avant de remonter vers l’Écosse. Les sous-marins allemands avaient coulé plusieurs bateaux auparavant. On passait dans des endroits que les sous-marins ne pouvaient pas atteindre à cause du manque de pétrole. C’était l’Angleterre qui avait trouvé cette stratégie», raconte le vétéran avec le souvenir imprégné dans ses yeux.

En Angleterre, le régiment de M. Pellerin est attitré à la construction de l’aéroport de Dunsfold, et à la construction d’une route de contournement à Leatherhead.

En mai 1944, le Shawiniganais se trouve dans un camp réservé à des prisonniers allemands en banlieue de Londres.

«La mort était partout! J’ai vu des affaires que je ne veux pas raconter.» -Albert Pellerin

Le Jour J

Comment M. Pellerin a-t-il vécu le 6 juin 1944 et les jours qui ont suivi, en attente de son tour? «Il y avait des régiments spécialisés pour le débarquement, et on attendait notre tour. On était à l’abri du danger un peu. On était dans des tranchées dans cette banlieue de Londres. Mais les Allemands envoyaient des bombes volantes pour nous lessiver. On voyait venir les bombes. Si une bombe tombait dans notre tranchée, on était fait! On essayait d’éviter les déplacements d’air dans la tranchée et les éclats d’obus. On n’avait pas de nouvelles des officiers sur ce qui se passait sur les plages en France, mais notre imagination était faite pour ça. On savait ce qui se passait. On connaissait la géographie de la France et de l’Angleterre.»

À la fin juin 1944, vient le temps pour le militaire de se diriger vers la France avec son bataillon. «La mort était partout! J’ai vu des affaires que je ne veux pas raconter. C’était une guerre tellement motorisée et technique. Notre mandat était de déminer le terrain de l’aéroport de Carpiquet près de Bayeux. Les alliés avaient eu de la misère à gagner ce territoire. On savait que plusieurs Canadiens étaient morts. L’aéroport était important parce que ça permettait d’aller bombarder derrière les lignes allemandes. J’ai perdu trois frères d’armes à cet endroit. On a eu trop de perte en Normandie pour le peu de territoire qu’on pouvait gagner. Ç’a été dur», exprime le vétéran avec des yeux qui révèlent pratiquement les images atroces.

Quel était l’état d’esprit du militaire alors qu’il réalisait son travail de déminage à travers les tirs de canons, les bombardements d’avions et les tirs des snipers? «On était habitué à ça. C’était notre routine de vivre dans un climat comme ça.»

Est-ce que M. Pellerin a toujours eu le sentiment de sortir de cette guerre vivant? «On a toujours un espoir de s’en sortir. Dès que je suis embarqué sur le bateau pour traverser la mer, j’étais en péril. L’océan était infesté de sous-marins.»

La fin de la guerre

Le militaire se trouve en Hollande alors que la fin de la guerre a été annoncée le 8 mai 1945. «On était tous des frères d’armes, on était tous ensemble, mais on ne parlait pas de ça. La guerre, ce n’était pas un sujet de conversation qu’on entreprenait. On parlait plutôt de l’avenir.»

L’après-guerre

C’est en décembre 1945 que M. Pellerin retrouve enfin sa patrie natale. «Je n’étais pas bien dans mon habit de civil. Je n’étais pas bien nulle part. Je n’étais pas capable de m’adapter, ça avait trop changé dans la ville. Tout a changé quand je me suis marié. J’avais un <@Ri>challenge<@$p> devant moi de faire vivre ma femme. J’avais des responsabilités et ç’a changé ma mentalité.»

Albert Pellerin et Thérèse Latulippe se sont mariés le 2 octobre 1948. De leur union sont nés cinq enfants: Paul, Michel, Nelson, Claude et Louis. Il a notamment travaillé à la Canadian Resins, à l’usine Dupont, à la Consolidated Bathurst (Belgo), puis au Centre de données fiscales. Il a pris sa retraite à 73 ans. Sa femme est décédée en novembre 1999. M. Pellerin est grand-père de trois petits-enfants et arrière-grand-père du même nombre.

Très allumé, l’homme de 97 ans va sur son ordinateur. Il adore regarder les stratégies et technologies utilisées lors de la Deuxième Grande Guerre.

Médailles et décorations

-Médaille Étoile de guerre 1939-1945

-Médaille Étoile France-Allemagne

-Médaille du Roi Georges VI 39-45

-Médaille du Service volontaire 39-45 avec agrafe

-Médaille de la Victoire 1939-1945

-Médaille de la Légion d’honneur de la France

Le Jour J le 6 juin 1944

L’histoire officielle britannique estime à 156 115, le nombre d’hommes ayant débarqués dont 57 500 Américains et 75 215 Britanniques et Canadiens sur les mers et 15 500 Américains et 7 900 Britanniques dans les airs.