Joane Desaulniers: Atikamekw dans l’âme

Joane Desaulniers, native de Grand-Mère, habite depuis plusieurs années à Wemotaci, où elle enseigne le français et l’histoire à des jeunes de la communauté Atikamekw.

À peine sortie de l’école en 1985, avec un brevet en enseignement, Joane Desaulniers a été embauchée à l’école secondaire de Wemotaci, en Haute-Mauricie. Suivant le cours des événements, elle y a vécu et enseigné pendant trois ans. Puis dans une optique de réaliser d’autres expériences, elle a enseigné dans une prison du Québec puis dans une école d’immersion au Manitoba.

C’est en 1993, que Mme Desaulniers retourne s’installer à Wemotaci. D’ailleurs elle y est encore aujourd’hui et continue d’enseigner le français et l’histoire aux jeunes élèves.

Mme Desaulniers travaille dans une école secondaire appelée Nikanik, qui signifie «aller de l’avant». Elle confie: «Mon école ferait l’envie de plusieurs enseignants œuvrant dans des boîtes de ciment. Elle est située sur les berges de la rivière St-Maurice, elle est entourée d’arbres, et est en retrait du centre du village. Le travail acharné de l’ensemble des enseignants fait qu’on y réalise quotidiennement de petits miracles. On prend l’élève là où il est pour l’amener à cheminer un peu plus. On a l’avantage d’avoir de petits groupes, ce qui permet un enseignement plus individualisé. Une relation amicale et respectueuse s’établit donc entre l’enseignant et ses élèves et chacun apprend à se connaître davantage.»

Motivée par le besoin d’aider les jeunes Atikamekw dont le français est la langue seconde, elle considère son travail comme un défi de taille. «J’ai régulièrement à faire face à de nombreux problèmes: taux d’absentéisme élevé, manque de motivation, résultats scolaires médiocres, décrochage scolaire, etc. Je vis donc beaucoup de frustrations et peu de satisfactions immédiates par rapport aux réussites de mes élèves», explique-t-elle.

Cependant, même si le travail est ardu, les résultats se font sentir avec les années. «Les réussites, je les vois après plusieurs années: certains de mes élèves poursuivent des études au Cégep et parviennent à obtenir un diplôme. Quelle victoire !», continue-t-elle.

Dans la communauté, bon nombres problèmes sociaux sont présents et l’école s’en ressent beaucoup. Comme partout ailleurs, lorsqu’un jeune vit certaines difficultés à la maison, ses performances et ses résultats scolaires en subissent les conséquences.

Les élèves de la communauté sont très encadrés. Plusieurs services leurs sont offerts: psychologue, psycho-éducateur, orthopédagogue, infirmière, tutorat, récupérations, etc. Les élèves sont donc très bien encadrés. Selon Mme Desaulniers, «La vie sociale à l’école est très importante. C’est un lieu de rencontre où ils se sentent bien.»

Wemotaci au cœur de la forêt mauricienne

Village indien situé à 120 km au nord-ouest de La Tuque, Wemotaci regroupe une communauté autochtone appelée les Atikamekw. Considérés comme très pacifiques, Mme Desaulniers confirme que les gens sont généreux, chaleureux et attachants.

La vie à Wemotaci bat au rythme des saisons, des six saisons atikamekw. «À mon retour, le 19 août, le village sera déserté pour un certain temps, le temps de la cueillette des bleuets. Il nous manquera des élèves à la rentrée scolaire car ils seront «aux bleuets » avec leurs parents. En octobre, les écoles primaires et secondaires fermeront pendant deux semaines car ce sera les semaines culturelles. Les familles vont alors camper sur leur territoire familial pour perpétuer les traditions et s’adonner à la chasse à l’orignal», raconte-t-elle.

Joane Desaulniers est reconnue à travers la communauté atikamekw comme une personne qui apporte beaucoup aux jeunes. D’ailleurs, ces derniers la saluent par les termes: «Kwei, Jojo» ou «Kwei, Kokom». «Au début, je me disais qu’ils n’étaient pas gênés de m’interpeller ainsi. Kokom signifie grand-mère en français. Après tout, je ne suis pas si âgée que ça. Mais on m’a expliquée que ce mot signifiait aussi la sagesse. On me considérait donc comme une des sages du village», explique-t-elle.

Quoique que Wemotaci soit très éloigné et tout près à la fois, elle revient régulièrement à Grand-Mère, à quelques heures de distance seulement. «Je vis et travaille à Wemotaci car j’y suis bien. J’ai adopté cette communauté et les gens m’ont adoptée à leur tour.»