Quand la classe déménage dans la résidence

L’école alternative de l’Énergie mise sur les activités intergénérationnelles   

ÉDUCATION. Un peu de gêne d’un côté; de la méfiance de l’autre. Mais il aura suffi d’un bon lancer de la jeune fille pour animer la salle et briser la glace.

En pleine tempête de neige le 27 novembre dernier, les élèves de la classe multiniveaux (3e, 4e et 5e année) de l’école alternative de l’Énergie traversent la rue pour aller rendre visite à des personnes âgées de la Résidence Christ-Roi, à Shawinigan. Cet après-midi-là, le shuffleboard est à l’honneur.

Des équipes sont formées au sort: les jeunes sont jumelés avec les aînés. Pour ces enfants habitués aux écrans électroniques, ces rondelles jaunes et bleues, ces triangles dessinés sur un long tapis vert et ces bâtons à long manche semblent irréels. Première règle: ne jamais marcher sur le tapis apprend rapidement un jeune garçon qui vient de s’y faire pincer. Mais après quelques coups d’essai, les enfants prennent manifestement du plaisir sous les encouragements et les cris de ces inconnus à la tête blanche.

«Ça m’impressionne, confie avec le sourire Manon Chartier, enseignante de la classe visiteuse, en regardant les deux groupes qui n’en font plus qu’un maintenant. Voilà le genre d’activité intergénérationnelle que l’école de l’Énergie veut intégrer formellement dans son programme académique.

Comme toutes les écoles dites alternatives, celle de la rue Notre-Dame doit se doter d’un projet éducatif original et la présence juste à côté de la Résidence Christ-Roi a donné l’idée à la direction et les enseignants de mettre à profit ce bassin de retraités souvent mis de côté dans notre société actuelle. «En les mettant en contact avec les aînés, ils apprennent la politesse, la patience, la tolérance. Des valeurs qui se perdent aujourd’hui, explique Manon Chartier. Et de leur côté, les personnes âgées en retirent aussi des bénéfices. Ils ont quelquefois des préjugés envers les jeunes et apprennent à les découvrir autrement.»

Les échanges intergénérationnelles sont au cœur du projet éducatif de l’école de l’Énergie.

Technicienne en loisir à la Résidence Christ-Roi, Alexandra Côté est tout aussi enthousiasme de la chimie qui se développe au fur et à mesure que la partie de shuffleboard avance. «Ça tape dans les mains. C’est génial, c’est une dynamique complètement différente. Habituellement, c’est moi qui me promène pour emmener de l’énergie. Là, c’est une ambiance beaucoup plus festive. C’est ce que j’aime.»

Une école, un succès

À sa deuxième année, l’école alternative de l’Énergie est déjà un succès avec ses 80 élèves répartis entre cinq classes multiniveaux: deux de 1e et 2e année, deux de 3e, 4e et 5e année et une de maternelle. Celle-ci viendra en décembre à la Résidence Christ-Roi entendre les personnes âgées raconter comment se déroulait Noël à leur époque.

Ce type d’établissement favorise une pédagogie ouverte où les élèves d’une même classe s’entraident, où il n’y a pas d’examen, mais où l’autonomie est évaluée. La famille des élèves doit aussi s’impliquée dans le processus en s’engageant à donner 30 heures durant l’année scolaire. «Ça peut être les parents, mais aussi le grand-papa ou une tante», précise l’enseignante qui a quitté un poste qu’elle adorait à l’école de Sainte-Flore pour relever ce nouveau défi. «Tous les profs qui sont ici le sont parce qu’ils ont le goût de ce type d’enseignement.»

De toute évidence, l’école alternative répond à une demande puisque la presque totalité des élèves réside à l’extérieur du quartier Saint-Marc/Christ-Roi. Plusieurs proviennent des secteurs Saint-Georges et Saint-Gérard mais aussi de Notre-Dame-du-Mont-Carmel. Pour la Commission scolaire de l’Énergie, c’est la seconde école alternative sur son territoire. À Saint-Mathieu-du-Parc, l’école de la Tortue-des-Bois avait été fermée en 2004 lorsqu’un an plus tard, le concept d’école alternative fut mis en place avec un succès qui ne se dément pas depuis.