Résilience et détermination pour Anne-Marie Beaulieu

INSPIRATION. «Si j’étais née il y a cinquante ans, je ne serais probablement jamais devenue pharmacienne», lance-t-elle au bout du fil dans son laboratoire au CHSLD Laflèche.

Pour des enfants aux prises avec des limitations, Anne-Marie Beaulieu peut représenter un exemple de résilience et de détermination. Née avec une maladie génétique rare qui l’a laissée avec une importante déficience auditive et visuelle, la Shawiniganaise n’a jamais baissé les bras afin d’aller au bout de ses aspirations.

Jeune, elle se rappelle des professeurs qui lui imprimaient ses notes en gros caractères. De son pupitre placé sur la première rangée, éclairé par une lampe et inclinée comme une table à dessin afin de lui permettre de lire de plus près. «Le plus difficile, c’était la vue, car pour la surdité, les appareils auditifs réussissaient à compenser tant qu’il n’y avait pas trop de sons ambiants», se souvient-elle.

Le diagnostic tombe à 3 ans alors que ses parents remarquent qu’elle ne réagit pas toujours au son de son nom. Après plusieurs examens, les spécialistes découvrent que la jeune enfant souffre d’un trouble de la fonction peroxysomale, une maladie génétique rare qui la laisse avec une surdité qualifiée de modérée à sévère et une vision de 20 sur 200, c’est-à-dire qu’elle reconnait à 20 pieds un objet qu’une personne dotée d’une vision normale verra à 200 pieds.

«J’ai eu la chance d’avoir deux parents qui sont médecins et qui n’ont jamais cessé de me stimuler et encourager. Ils ont toujours vu à me procurer les équipements les plus à jour pour m’aider dans mon cheminement», reconnait-elle.

Anne-Marie, la pionnière

Ayant grandi dans cet univers médical, autant à cause du travail de ses parents qu’à force de côtoyer les spécialistes comme patiente, Anne-Marie Beaulieu décide au début des années 2000 de se diriger vers la Faculté de pharmacie de l’Université Laval. C’est la première fois alors qu’une étudiante avec une telle déficience visuelle tente de devenir pharmacienne.

«Je ne prenais pas de travail en dehors des études pour pouvoir me concentrer sur ma formation. Je lisais mes notes avant et après chaque cours. Je me faisais des résumés. J’ai une bonne mémoire qui compense pour mes faiblesses», souligne-t-elle.

Anne-Marie Beaulieu terminera finalement sa formation en même temps que sa cohorte de départ. En cours de route, elle rencontrera plusieurs obstacles, notamment la réalisation de quatre stages de quatre semaines. «Ce n’est pas avantageux pour quelqu’un comme moi qui a un temps d’adaptation un peu plus long pour se familiariser avec son environnement. Quand tu viens à reconnaître l’écriture du médecin sur une prescription, ton stage se termine», sourit-elle.

Même que lors de l’évaluation de ses stages, ses moniteurs semblent entretenir un doute sur la capacité de la future diplômée à exercer sa profession même si sa maîtrise du contenu ne fait pas de doute. Une attitude qui ne fait que décupler la détermination d’Anne-Marie Beaulieu. «Oui je serai capable, mais dans un environnement stable», leur répond-elle.

Ce milieu de travail, elle le trouvera en 2006 au CHSLD Laflèche, dans le secteur Grand-Mère. «Travailler dans un établissement de santé, c’est idéal pour moi. Il y a de plus en plus d’opérations qui sont automatisées comme la préparation de médicaments. Il y a des actions qui sont déléguées aux assistants. Le pharmacien est surtout là pour réviser les dossiers, analyser les nouvelles ordonnances. Des tâches où mes handicaps ne représentent pas une limitation. La seule différence avec les autres pharmaciens, c’est que mon ordinateur est plus gros et que je me colle le nez dessus pour y lire. »

Anne-Marie, l’inspiration

Il y a un an environ, Anne-Marie Beaulieu a reçu un appel d’une étudiante de la Faculté de pharmacie  de l’Université Laval qui avait eu connaissance de son parcours et qui devait composer elle-même avec des limitations.  La pharmacienne était bien heureuse de voir qu’elle pouvait servir d’inspiration pour les plus jeunes.

«Ce n’est pas toujours facile, mais il y a moyen de faire quelque chose. Ça dépend de ton handicap, de ton tempérament et du contexte. Il ne faut surtout pas se décourager. Comme ma mère me disait souvent: Il y a des choses que tu ne feras pas comme les autres. L’important, c’est de trouver ta façon de le faire et que ça convienne à toi», termine-t-elle.