Isabelle Gélinas: avocate… 25 ans plus tard

CARRIÈRE.  Auteure d’un livre de recettes végétaliennes et d’un roman jeunesse. Mère de deux ados, cheveux rouge cuivré et bras tatoués. Traductrice agréée après avoir travaillé dans le domaine de l’informatique et bientôt… avocate à 51 ans. 

Le parcours d’Isabelle Gélinas n’a rien d’un long fleuve tranquille.

Selon le Comité d’accès à la profession qui a analysé sa candidature l’automne dernier, la Shawiniganaise est la première étudiante admise à l’École du Barreau… vingt-cinq ans après avoir obtenu son diplôme de droit.

« Les membres du comité m’ont demandé avec de grands yeux Mais pourquoi maintenant? Dans mon entourage par contre, il n’y a pas grand monde qui a été surpris quand j’ai annoncé que je voulais devenir avocate », sourit la principale intéressée rencontrée chez elle, dans le secteur Saint-Gérard-des-Laurentides.

Même son baccalauréat en droit de l’Université de Montréal obtenu en 1997 a été entrecoupé par une pause deux ans durant laquelle elle a travaillé et fait un séjour en Amérique du Sud. « Le milieu ne me convenait pas à cette époque. Je ne me reconnaissais pas là-dedans », souligne celle qui pourra officiellement se faire appeler Me Gélinas après avoir réussi l’évaluation finale du Barreau en mai prochain et complété un stage de six mois dans un cabinet par la suite.

Durant cet intermède de vingt-cinq ans, Isabelle Gélinas n’avait cependant pas entièrement coupé les ponts avec le monde juridique puisque son métier l’avait amené à traduire beaucoup de contrats, de jugements et des mémoires pour la Cour suprême impliquant divers domaines comme le droit des assurances, le droit du travail et le droit du logement.

En 2015, la future avocate publiait Isabelle Complètement Vedge, un livre de recettes végétaliennes. Elle avait auparavant écrit en 1992 un roman jeunesse Le mystère du Marloland.

« J’ai beau ne pas m’être éloigné du droit grâce à mes travaux de traduction, reste que je ne sors pas de mon bac comparé à mes collègues dont les connaissances sont à jour. J’ai eu un gros rattrapage à faire, plein de notions à réapprendre, mais ça va bien, le réflexe est encore là », déclare Isabelle Gélinas qui dit avoir eu l’idée de ce retour aux sources l’an dernier. « Des proches ont eu à traiter avec des avocats. Je me suis dit que j’aurais été capable de les aider. J’aurais même aimé ça le faire. »

Pour la justice sociale

Si pour bien des gens le cap des 50 ans sonne le dernier chapitre de la carrière professionnelle, la Shawiniganaise se lance dans cette nouvelle aventure avec une tout autre approche. « Moi, je m’en vais avocate pour travailler encore au moins 25 ans. En tout cas, tant que ma tête va être là, je pratiquerai. »

Isabelle Gélinas veut aussi orienter sa pratique vers les causes sociales, auprès des personnes vulnérables comme les personnes âgées,  les femmes, les enfants, etc. « Je veux venir en aide aux gens qui n’ont pas les moyens de se payer un avocat, mais qui ne sont pas éligibles à l’aide juridique. La médiation m’intéresse beaucoup. C’est un recours qui n’est pas suffisamment utilisé. L’accès à la justice, c’est important pour moi. Pas seulement se payer un avocat, mais savoir aussi comment ça fonctionne, connaître ses droits », lance-t-elle.

Attachée à Shawinigan, la future avocate entend offrir ses services dans sa région natale. « Toutes les questions relatives à la justice sociale m’intéressent. Je me verrais très bien cogner à la porte des résidences pour personnes âgées pour offrir une formation aux résidents sur leurs droits. Ou ouvrir un petit local et donner une formation gratuite sur les droits des locataires à l’approche du renouvellement de leur bail. Les gens ne se rendent pas compte, mais il n’y a pas un domaine du droit qui ne nous touche pas dans notre quotidien. »

Avec son bagage hétéroclite et sa facilité à aller vers les autres, Isabelle Gélinas s’est rapidement intégrée à la cohorte de l’École du Barreau dont plusieurs pourraient être ses enfants. « C’est drôle parce que lorsque j’étais à l’université, on avait habitude de désigner les étudiants plus âgés comme le club des varices ou les back to school. Aujourd’hui, c’est moi qui suis à leur place. Ça doit être mon karma. Ça m’apprendra », termine-t-elle en riant.