Courir un marathon dans la lune
Deux Shawiniganaises participent à une étude sur la course en autohypnose
SUBCONSCIENT. Courir 21,1 km ou 42,2 km la tête dans les nuages? Voilà la curieuse façon prise par Julie Daoust et Marie-Ève Bergeron pour s’adonner à leur loisir favori.
Les deux Shawiniganaises participent à une recherche menée depuis janvier dernier par vingt hypnothérapeutes de l’École de formation professionnelle en hypnotisme du Québec auprès d’athlètes qui court des semi-marathons et marathons.
À Shawinigan, c’est Geneviève St-Arnaud, de la clinique De corps et d’esprit, qui pilote l’étude baptisée Hypnomarathon. «L’idée, c’est de construire une bulle qui va apporter au coureur tout ce dont il a besoin durant la course», résume l’hypnothérapeute.
Les premières séances entre l’athlète et la professionnelle servent à créer cet univers virtuel, appelé lieu de pouvoirs, qui sera graduellement enrichi au fil des rencontres. «Le défi, c’est de recréer en compétition le même état d’esprit qu’en clinique», ajoute Geneviève St-Arnaud.
Julie Daoust et Marie-Ève Bergeron ont donc appris à entrer en état hypnotique par leurs propres moyens, ce qu’on appelle l’autohypnose. La facilité à pénétrer dans cet état de conscience modifié varie d’une personne à l’autre mais dans le cas des deux athlètes, c’est maintenant une habitude intégrée autant dans les entraînements que dans les courses. «Quelquefois, cela vient spontanément et dans d’autres occasions, il faut le provoquer», mentionne l’hypnothérapeute.
Le sourire dans la face
L’étude n’a pas encore déterminé si l’autohypnose peut améliorer les performances sur les résultats de course mais elle est définitivement concluante sur le plan du bien-être de l’athlète. «Le temps passe plus vite dans ma tête, fait remarquer Marie-Ève Bergeron. Depuis que je cours en autohypnose, j’ai le sourire dans la face tout le long.»
Julie Daoust renchérit: « Je n’ai pas battu de records de temps mais je cours dans un meilleur état d’esprit. Je le fais avec beaucoup plus plaisir et reconnaissance. Dans les dernières années, c’était plus difficile.»
Évidemment, courir sous autohypnose le Marathon de Montréal avec ses 35 000 athlètes demande un certain degré de préparation. «Avec l’autohypnose, tu n’es pas en transe. Tu es conscient de tout ce qui se passe autour de toi. C’est juste que tu refocusses. Malgré qu’elle soit très physique, la course est surtout extrêmement mentale», explique Julie Daoust. Cet état de dissociation, qui permet d’intégrer son univers virtuel tout en gardant une caméra de surveillance auprès des autres coureurs, est une étape clé du succès de l’opération.
Elle-même coureuse de longue distance, Geneviève St-Arnaud croit que l’hypnothérapie pourrait être intégrée dans un plan d’entraînement environ trois mois avant une course à raison de 6 à 8 rencontres avec la professionnelle.
Le lieu de pouvoir de Julie Daoust
L’univers de Julie Daoust est constitué d’une forêt dans laquelle elle retrouve ses amis, notamment un colosse avec d’immenses jambes qu’elle utilise lors de ses premiers kilomètres. La joggeuse fait aussi appel à ses sentinelles: de petites fées qui assurent sa sécurité lorsqu’elle court à la noirceur. Ces elfes l’aident aussi à guider ses pas. «Je m’étais blessée à un genou dans une course et je leur avais demandé de toujours placer mes pieds au bon endroit afin de ne pas aggraver ma blessure», se remémore-t-elle. Enfin, la forêt de Julie est peuplée de loups. «Ils arrivent lorsque j’ai une poussée d’adrénaline. Quand je roule entre 4m30s et 5m15s, ça veut dire que les loups sont avec moi.»
Le lieu de pouvoir de Marie-Ève Bergeron
C’est une maison sur le bord de la mer qui accompagne chacune des courses de Marie-Ève Bergeron. «Pendant que je cours, je prépare mon refuge pour qu’il soit prêt lorsque mes invités arriveront», explique-t-elle. Au fil des épreuves, elle améliore constamment son chalet: un jour elle installe un hamac; la semaine suivante, une grande galerie et un spa apparaissent. Dans les derniers kilomètres de sa course, elle se voit arriver dans sa maison où son chum lui a fait couler un bain et couper des fruits frais. «Elle est rendue grosse ma cabane», sourit Marie-Ève. Et puis si un bobo survient durant la course, pas de problème: «Je vais chercher un pansement dans ma pharmacie.»