Cuisines sous pression

RESTAURATION. La pénurie de main d’œuvre en cuisine qui touche la province se ressent-elle dans les restaurants d’ici? Plus que jamais, si l’on se fie aux propriétaires du coin, qui doivent constamment user de créativité pour maintenir un fragile équilibre en cuisine.

Indrasen Teeroovengadum, co-chef et copropriétaire du restaurant Le Radoteux au centre-ville de Shawinigan connait très bien la situation.

«J’étais chef au Florès pendant six ans avant d’être ici, j’ai dû faire venir du monde de l’étranger, des amis qui travaillent sur des bateaux de croisière, pour arriver», explique celui qui avait lui-même été recruté par un chasseur de tête. «À la fin, c’est moi qui a quitté et ils n’ont pas eu de chef pour continuer.» Le restaurant avait alors dû fermer ses portes peu de temps après.

Son arrivée au Radoteux a été brutale. «Mon premier soir il y avait 150 réservation et pas un cuisinier ne s’est présenté en cuisine. Nous étions deux nouveaux, c’est tout.» Indrasen Teeroovengadum s’est assuré de ne pas revivre le même problème par la suite. «Les quatre nouveaux actionnaires sont les quatre chefs, dont moi», explique-t-il.

À Saint-Tite, la microbrasserie À la Fût a dû prendre la décision de ne plus offrir de déjeuners à partir du 12 novembre, faute d’employés. «Depuis le Festival Western nous ne sommes même pas capables de trouver des plongeurs», explique Philippe Dumais, membre fondateur de la coopérative. «C’est une triste réalité, on dirait qu’il va y avoir de moins en moins de restaurants dans quelques années.»

Même son de cloche du côté du bistro gourmand le Saint-Mo, également au centre-ville de Shawinigan. «On doit tout le temps chercher du staff, c’est pire encore à l’approche de la période estivale», explique Guillaume Sirois, chef et copropriétaire. «La compétition est assez imposante, tout le monde veut les bons donc tout le monde offre de bons salaires», explique celui qui est allé recruter son sous-chef à Trois-Rivières.

Stratos Pizzeria est également touché par la pénurie. «On le ressent partout. On passe souvent des offres d’emploi et on ne reçoit pratiquement pas de curriculums vitae, parfois même pas du tout, on essaie de transférer du personnel d’un restaurant à l’autre», indique pour sa part Francine Gélinas, formatrice en service chez Stratos Pizzeria qui possède notamment des succursales dans les secteurs Grand-Mère, Shawinigan et Shawinigan-Sud ainsi qu’à Saint-Boniface.

Un métier à redorer

Horaires de soir et de fin de semaine, salaire peu élevé, clientèle de plus en plus difficile à satisfaire… rien pour aider à redorer le travail en cuisine.

Comment attirer et retenir les employés dans cette «chasse au trésor»? Formation continue, activités d’équipe, salaires plus élevés en tentant de ne pas augmenter le prix de l’assiette, bonis, ambiance de travail et valorisation font partie de la solution.

Vers un partage des pourboires?

Indrasen Teeroovengadum reconnait que le partage des pourboires des serveurs avec les cuisiniers peut aider à la rétention des employés. «Les cuisiniers sont à l’arrière 100% du temps. C’est rare qu’ils reçoivent les commentaires des clients et qu’on leur mentionne leurs bons coups», explique-t-il. Il croit par ailleurs que l’appréciation d’un client pour un restaurant passe à 60% par la qualité des plats servis.

Du côté de chez Stratos Pizzeria, Francine Gélinas est catégorique: pas question. «J’aurais peur que les serveurs soient démotivés», explique-t-elle. Elle rappelle que le taux horaire est plus élevé chez les cuisiniers.

À la microbrasserie À la Fût, le partage se fait déjà depuis quelques années. «La cuisine reçoit à peu près 18% du pourboire», explique Philippe Dumais.

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