Des cadavres pour s’instruire
ÉDUCATION. Depuis trois ans, les étudiants de troisième année en Soins infirmiers du Collège Shawinigan peuvent se familiariser avec le corps humain en travaillant sur des corps qui ont été légués à la science, grâce à une initiative des enseignantes Hélène Turgeon, Josiane Gagnon et Francine Gélinas.
En octobre dernier, les trois enseignantes du Collège Shawinigan, Hélène Turgeon, Josiane Gagnon et Francine Gélinas, ont eu l’honneur de recevoir le Prix de la Profession Santé dans la catégorie Partage des connaissances – Infirmières pour avoir bâti le Projet de laboratoire anatomique. C’est grâce à une collaboration entre le Collège et le laboratoire anatomique de l’Université du Québec à Trois-Rivières (UQTR), que le projet a été rendu possible.
En 2015, ce même projet avait reçu le prix Coup de cœur lors du colloque de l’Association des enseignantes et enseignants en soins infirmiers des collèges du Québec (AEESICQ).
Comment les enseignantes ont mis sur pied ce projet et pourquoi? «Comme enseignant, nous sommes toujours à la recherche d’une façon de transmettre les connaissances pour répondre aux besoins des étudiants, indique d’entrée de jeu Hélène Turgeon. Nous avons eu une opportunité avec l’UQTR pour les emmener au laboratoire anatomique pour intégrer et consolider leurs acquis avec ce laboratoire. Les jeunes aiment le concret. Juste travailler avec des volumes, ce n’est pas tangible. On voulait aller chercher une troisième dimension pour les jeunes avec le tangible, et même une quatrième et une cinquième dimension avec l’odeur par exemple.»
Les enseignantes sont unanimes, la rétention de l’information pour les jeunes se voit dans les résultats. «On crée des repères qui viennent s’ancrer dans leur mémoire. C’est gagnant sur toute la ligne et les résultats sont phénoménaux. On se rend compte que les liens se font plus facilement, et que les étudiants sont plus performants en stage», ajoute Mme Turgeon, enseignante depuis 25 ans.
Apprendre à leur rythme
Les étudiants qui fréquentent le laboratoire anatomique peuvent apprendre à leur rythme. Ils alternent dans trois stations d’apprentissage: une cardiaque, une respiratoire et une station sur la réanimation. «Pour la station cardiaque, les étudiants peuvent manipuler des cœurs, les ouvrir et regarder l’anatomie, et voir les différences aussi avec un cœur pathologique, explique Josiane Gagnon, enseignante depuis 7 ans. La station respiratoire permet d’étudier tout ce qui concerne le volet pulmonaire. Nous avons des poumons avec des métastases par exemple pour montrer les différences. La station réanimation permet aux étudiants de faire une réanimation cardio-respiratoire sur le cadavre.»
La méthode de conservation des corps fait que le cadavre est malléable et il n’est pas frigorifié. «L’odeur est présente dans le laboratoire, mais nous les préparons à ça», ajoute Francine Gélinas, enseignante depuis 8 ans.
Après avoir réalisé les différents ateliers du laboratoire, les étudiants doivent répondre à un questionnaire d’appréciation. «C’est positif pour tous, affirme Mme Gélinas. Ce qui ressort le plus, c’est l’examen clinique que les étudiants font. Ça leur permet de faire les bons gestes aux bons endroits. Les professeurs en stage ont aussi constaté qu’il y avait moins de perte de temps avec les étudiants et ils sont plus performants.»
Le programme reconduit?
L’opportunité était offerte à tous les collèges en 2014 de pouvoir profiter d’une subvention reçue par l’UQTR pour ce laboratoire, et la direction du Collège Shawinigan a levé la main.
Toutefois, rien n’est encore confirmé pour la prochaine année. «C’est la dernière année de la subvention, mais étant donné tous les effets bénéfiques, notre directeur général désire que le programme se poursuive. C’est trop gagnant pour le faire mourir», ajoute Mme Turgeon.
Donner son corps à la science
Il est possible de communiquer directement avec l’UQTR afin de signifier son intention de donner son corps à la science.
Après avoir constaté comment on travaille sur les corps, est-ce que les enseignantes accepteraient de léguer leur corps?
«Pour avoir vu comment ça se passe, je serai prête à donner mon corps, affirme Josiane Gagnon. Il existe un respect et une éthique au laboratoire. Les visages sont cachés, et nous n’avons pas de détails pour identifier la personne. Nous connaissons l’âge, le sexe et la raison du décès de la personne.»
«Le but, c’est de faire un don de soi pour aider les autres», ajoute Mme Turgeon.
«D’aller au laboratoire, ça pu me familiariser avec les pratiques et ça m’a rassuré. Je connaissais les dons d’organes, mais de donner son corps à la science c’était un mystère», opine Mme Gélinas.