Dr François Simard: de Val-Mauricie au FC Barcelone
SANTÉ. «Quand vient le temps de les évaluer, ce sont eux qui te donnent rendez-vous. Ils vivent dans leur bulle», explique le cardiologue François Simard.
Difficile d’imaginer un monde où un patient fixe une rencontre à un médecin mais pas dans l’univers du FC Barcelone, ce club emblématique qui est au soccer ce qu’est le Canadien au hockey et les Yankees au baseball.
De novembre 2019 à mars 2020, celui qui a grandi à Notre-Dame-du-Mont-Carmel a secondé la cardiologue attitrée du club espagnol dont la vedette Lionel Messi gagne environ 100 millions$ par année. «Ce sont des athlètes très protégés et entourés par leur propre équipe. Leur horaire est réglé au quart de tour», poursuit le Dr Simard qui a fait ses études à l’école secondaire Val-Mauricie et au Cégep de Shawinigan.
Même à cette époque, l’adolescent était déjà attiré par la mécanique du cœur. «Ce n’est pas l’aspect chirurgical qui m’a attiré vers la cardiologie mais plutôt le côté clinique. Le cœur m’a toujours fasciné. En bio, quand on s’est mis à étudier le système cardio-vasculaire, j’ai dit wow: c’est comme un système hydraulique», note celui qui s’est orienté vers la cardiologie sportive, une spécialité peu connue au Québec.
À son arrivée au centre d’entraînement du FC Barcelone, le Dr Simard a eu un choc. «Dans l’équipe, il y a autant de médecins spécialistes que de parties dans le corps humain. Ce sont des athlètes hyper-examinés de la tête aux pieds.»
Détecter les problèmes cachés
Échographies, électrocardiogrammes, analyses: François Simard a scruté le cœur de plusieurs joueurs réguliers et de la relève du FC Barcelone pour détecter un éventuel problème caché. Quand le club a acquis en février 2020 pour près de 30 millions$ le Danois Martin Brathwaite, c’est lui qui était responsable de son examen. «Ce sont des athlètes d’élite mais il y a toujours un pourcentage très faible qui a un problème cardiaque et qui s’ignore. Ce sont quelquefois des malformations congénitales de naissance qui vont se développer avec le temps et qui peuvent avoir des conséquences dramatiques pour quelqu’un qui s’entraîne à un haut niveau.»
Des exemples de joueurs de hockey (Jay Bouwmeester, des Blues; Rich Peverley, des Stars; et Jiri Fischer, des Red Wings pour ne nommer qu’eux) qui ont dû ces dernières années mettre fin à leur carrière suite à des problèmes cardiaques en témoignent.
Des athlètes plus fragiles aujourd’hui? «Non, il faut plutôt voir une amélioration du côté de la médecine à détecter précocement les maladies alors qu’auparavant, on les découvrait quand elles étaient rendues à un stade sévère et même dépassé.»
Le Dr Simard note toutefois que les athlètes d’élite de nos jours élèvent leur entraînement à des niveaux très intenses, ce qui n’était pas le cas il y a 20 ou 30 ans. «La conséquence de cela, c’est que ça met parfois en relief un problème cardiaque qui ne serait pas arrivé si la machine n’avait pas été poussé autant. Il y a d’ailleurs un débat dans notre profession à savoir si l’exercice pratiqué à un niveau extrême n’entrainerait pas une dégradation du système cardio-vasculaire.»
Des cœurs différents
Comme cardiologie sportif, François Simard demeure par-dessus tout fasciné par le fait les cœurs ne sont pas identiques chez les athlètes. «Chaque sport influence le remodelage cardiaque», explique-t-il. «Un haltérophile qui lève de grosses charges de façon intense mais courte va avoir un cœur avec des parois qui s’épaississent. Tout le contraire d’un marathonien qui pompe un gros volume de sang pendant une longue période. Il va avoir un cœur qui a tendance à se dilater et à être plus gros. »
Connor McDavid, des Oilers, aura lui un cœur semblable à Lionel Messi quoique moins bien payé… «Les cœurs d’un joueur de hockey et un de soccer sont semblables: c’est-à-dire qu’ils se dilatent tout en ayant des parois plus épaisses mais pas autant que chez un haltérophile ou un joueur de football. »
Revenu au Québec en mars 2020 en raison de la pandémie, le Dr Simard prévoit retourner trois mois à Barcelone en 2022. «Je vais y aller au début de l’été alors que c’est le camp d’entraînement qui commence et que les joueurs d’élite arrivent. On leur fait passer une batterie de tests et on fait nos évaluations», termine l’ancien étudiant de Val-Mauricie.