Et si on adaptait l’école pour les TDAH?

ÉDUCATION. Comme les autres élèves de sa classe, Marijade Laframboise-Levac, 22 ans, compose avec un diagnostic de trouble du déficit de l’attention. C’est la première fois qu’elle se sent aussi motivée à poursuivre ses études de niveau secondaire au Centre d’éducation aux adultes (CÉA) du Saint-Maurice à Shawinigan.

C’est que depuis le début de l’année scolaire, l’établissement a mis sur pied un projet-pilote qui s’adresse directement aux adultes atteints d’un trouble de déficit de l’attention avec ou sans hyperactivité (TDAH).

«Dans l’autre classe, j’ai failli lâcher parce que c’était difficile pour moi, j’avais beaucoup de difficulté», explique Marijade Laframboise-Levac. «Mais pas ici. La classe me permet d’avancer plus vite dans mes modules. On est comme une petite famille. Les profs nous motivent à rester, ils comprennent mes besoins», raconte celle qui avait abandonné l’école à l’âge de 17 ans avant d’entreprendre un retour aux études.

Repenser la classe

En mettant le pied dans la classe, on remarque qu’elle est éclairée avec la lumière naturelle et que les murs aux couleurs sobres sont dépourvus d’éléments qui détournent l’attention. On remarque aussi qu’on a retiré les roulettes sous les chaises. La classe, divisée en deux, comprend d’un côté un aménagement plus typique, et de l’autre une disposition qui s’apparente davantage à un milieu de vie: tables pour le travail de groupe, coussins de détente, exerciseur.

Marijade et ses collègues bénéficient également d’un horaire allégé, de pauses plus fréquentes et plus longues et d’ateliers sur la communication ou sur la gestion du stress. La dernière période du vendredi est dédiée au club de marche.

Si la formule peu commune peut sembler contre-productive, l’enseignante Annie Lafrenière atteste que c’est tout le contraire. Par ce projet, elle a d’ailleurs appris à être plus à l’écoute des besoins de l’élève en classe, mais aussi à l’extérieur. «Pour que l’élève soit productif, son cerveau doit être apte au travail. Je vais suggérer à un élève qui est plus fatigué d’aller prendre une marche, par exemple, ce que je ne faisais pas avant. Je vois que ça porte ses fruits», raconte-t-elle.

La classe peut compter 16 élèves au maximum. «Il y a beaucoup moins d’élèves que dans une classe régulière, on peut prendre le temps», apprécie l’enseignante.

Un projet sans précédent

Quelques initiatives du genre sont recensées à travers la province, mais pas d’une telle ampleur, sur toute une année. En plus de recevoir les services d’enseignement et les services complémentaires réguliers, les élèves sont soutenus par des services bonifiés d’orthopédagogie et d’éducation spécialisée.

Ils sont également accompagnés par le Dr Martin Pearson de la Clinique de services en psychologie spécialisée en TDAH et ils profitent d’ateliers qui visent l’entraînement des fonctions exécutives défaillantes (l’activation, le focus, l’effort, la régulation des émotions, la mémoire et l’action).

Toutes leurs sphères de vie sont touchées: les interactions sociales, les responsabilités quotidiennes, l’activité physique, l’alimentation. «Le TDAH devient parfois un obstacle à maintenir une bonne hygiène de vie, ce qui peut empirer les symptômes», de mentionner le Dr Pearson.

Ce cadre d’intervention, validé par le Dr Martin Pearson, est basé sur la recherche, la littérature consacrée au TDAH et sur l’expression des besoins des élèves TDAH qui fréquentent le centre.

Une initiative qui fait ses preuves

Résultat jusqu’ici? «La majorité des élèves sont là depuis le début de l’année», confirme Tommy Champagne, conseiller pédagogique. Un plus grand maintien à la formation donc, pour ces adultes qui ne trouvaient pas leur compte dans une classe «régulière».

«Je partage mes résultats sur Facebook!», explique fièrement Marijade Laframboise-Levac. «Tout le monde me félicite parce que je ne pensais pas réussir.» Une fois qu’elle aura complété son quatrième secondaire dans toutes les matières, elle compte s’inscrire à un diplôme d’études professionnelles. «Je ne sais pas encore en quoi m’en aller, mais je me vois aller plus loin qu’avec le secondaire 1 que j’avais au début, ça, c’est sûr», conclut-elle.

L’initiative commence à intéresser des établissements scolaires un peu partout à travers la province. Selon les informations recueillies par TC Media, le ministre de l’Éducation, Sébastien Proulx, se serait montré intéressé par le projet. Une visite à l’établissement pourrait avoir lieu sous peu.