Fermeture de la Belgo : les souvenirs 15 ans plus tard
SHAWINIGAN. Les retraités Michel Richard, Jacques Pintal, et Jean-Pierre Lessard se souviennent très bien de la date du 18 février 2008, alors que 560 travailleurs de l’usine Belgo effectuaient leur dernier quart de travail. Lors de cette journée, aucune pulpe ou papier n’ont été produits, certains avaient un balai à la main tandis que d’autres enlaçaient leurs compagnons de travail pour une dernière fois.
Même s’il se trouvait déjà à la retraite, Jean-Pierre Lessard décrit cette fermeture comme étant un choc encore aujourd’hui. « J’avais pris ma retraite, mais c’était un gros choc, avoue celui qui est aujourd’hui le président des anciens employés de la Belgo. J’ai eu beaucoup de collègues qui avaient de la misère à se trouver une autre job. Il y en a qui ont dû s’en aller à l’extérieur de Shawinigan pour travailler. Ce n’est pas drôle quand tu as une famille et que tu es obligé de partir. C’est toute la ville de Shawinigan qui a encaissé le coup. »
De son côté, Jacques Pintal travaillait à l’usine lors de ce jeudi noir. « J’étais là jusqu’à la dernière journée! J’ai fini de travailler quand ils ont mis la clé dans la porte après 37 ans de service. Ça nous a rentré dedans quand ils ont annoncé la fermeture en novembre. Ils nous faisaient faire du ménage parce que tout était fini et qu’il n’y avait plus de production. C’était ordinaire de finir la carrière en faisant du ménage! Moi c’était pas pire, parce que je devais prendre ma retraite en août de la même année. Mais il y avait des compagnons de travail qui ont reçu un montant à la fin, mais ils n’avaient plus de fonds de pension. »
Pour Michel Richard, les plus beaux souvenirs quand il repense à la Belgo étaient ceux avec ses collègues de travail. « On était une belle gang! On avait plusieurs activités à l’extérieur de l’usine. Il y avait même des activités entre les conjointes. Des travailleurs dans une usine, ça va toujours rester une grande famille. En dernier, on était 550-560, mais il y a déjà eu 1200 travailleurs avant la modernisation. Les grands perdants ont été les employés et la ville. Disons que le grand perdant ce n’était pas l’employeur. »
Et 15 ans plus tard, comment réagissent-ils en voyant les décombres de la Belgo toujours visibles? « C’est inconcevable de voir ça en cet état. Il y en a qui dorment sur la switch. Il y en a qui se battent depuis longtemps. C’est facile de critiquer négativement, mais il faut être aussi constructif dans une critique. Chapeau à ceux qui se battent pour restaurer ce terrain », exprime M. Richard.
Et des idées pour la nouvelle vocation du terrain?
« Je verrais des blocs appartements avec un parc. Le site est tellement beau qu’il y a de quoi à faire là. Ça prendrait quelque chose qui pourrait nous rapporter quelque chose pour la ville, ça prend de l’argent qui rentre aussi. On vit avec des PME, il ne faut plus penser qu’on va avoir des grosses usines », opine M. Pintal.
Jean-Pierre Lessard abonde dans le même sens que son ancien collègue. « Je vois des blocs appartements pour les aînés. Un emplacement pour les aînés avec la rivière qui passe. Il en existe, mais je pense que ça en prend encore une ou deux résidences à Shawinigan. C’est payant pour la ville un genre de bloc comme ça. »
De son côté, M. Richard y est allé d’une petite touche d’humour en lien avec ce qu’il reste de la Belgo. « Il faudrait peut-être conserver un endroit pour ceux qui veulent faire des graffitis parce qu’il y en a beaucoup! »
Les trois hommes seront dans le documentaire sur le fondateur de la Belgo qui sera présenté gratuitement au Centre des arts (voir autre texte). « Réjean Loranger a aussi participé au film avec nous. Il est décédé en juin dernier », ajoute Raynald Bordeleau qui participé au montage et au documentaire.