Frais des cartes de crédit: cri du cœur des commerçants

ÉCONOMIE. À deux jours du dépôt du budget fédéral, l’Association des marchands dépanneurs et épiciers du Québec (AMDEQ), appuyée du député conservateur et candidat à la chefferie Steven Blaney, réclame de Bill Morneau, ministre des Finances, d’imposer une diminution concrète des taux d’utilisation des cartes de crédit.

Les petits commerçants jugent que les taux d’utilisation imposés par les cartes de crédit Master Card et Visa, qui se situent actuellement entre 1,5% et 2,5% selon le volume de ventes, sont trop élevés. Ils souhaiteraient que le gouvernement réglemente ces taux en les limitant à un maximum de 1%.

«Selon une étude qui a déjà été réalisée, à peu près 40% du taux que paie le détaillant sert à payer des primes au consommateur», dénonce Yves Servais, directeur de l’AMDEQ, de passage en Mauricie lundi. «D’autres gouvernements, comme l’Australie, ont déjà réglementé. Ils ont fixé le taux à 0,5%», poursuit-il.

M. Servais s’interroge sur les reports du projet de loi C-236, Loi modifiant la Loi sur les réseaux de cartes de paiement (frais d’acceptation d’une carte de crédit). Le projet a été déposé à la Chambre des communes en février 2016 par une députée libérale. «Ça fait déjà plus d’un an que ce projet de loi a été déposé, et il n’a pas été étudié, il n’a pas avancé du tout.»

Le candidat à la chefferie du Parti conservateur et député de Bellechasse-Les Etchemins-Lévis était également de passage en Mauricie lundi. «Je m’engage, dans un budget conservateur, à régler cet enjeu», a indiqué M. Blaney. «Lorsque nous (les conservateurs) étions au pouvoir, nous avions mis en place des mesures volontaires pour réduire les frais de transaction pour les cartes de crédit parce qu’on reconnaissait qu’il y avait un problème. (…) C’était un pas dans la bonne direction, mais maintenant on doit finir le travail.»

Les frais chargés par MasterCard et Visa font l’objet d’un mécontentement depuis quelques années au sein des petits détaillants d’ici et d’ailleurs au Québec.

Des milliers de dollars par année

À la station-service Alimentation Lemoyne & Auger de Saint-Boniface, les frais de transaction liés aux cartes de crédit représentent des dépenses d’environ 30 000$ par année.

«C’est notre dépense la plus importante après les salaires», déplore Charles Lemoyne, copropriétaire depuis 20 ans. «Est-ce que c’est normal que ça coûte moins cher d’Hydro-Québec que de frais de cartes de crédit?» Les frais liés à l’utilisation des cartes de débit, quant à elles, se sont plutôt de l’ordre de 5 à 10 cents par transaction.

«Le lait, les loteries ou l’essence sont tous des produits à faible marge de profit, explique le commerçant. C’est difficile, avec les frais de cartes de crédit, de dégager des marges de profit suffisantes pour être viable à long terme. (…) On peut même en arriver à être déficitaires sur une vente d’essence au-delà de 1,50$/litre.»

Alors que les grandes chaînes de magasins comme Walmart ou Costco bénéficient de taux réduits en raison de leur volume de ventes, les commerçants déplorent qu’ils doivent «vivre avec les taux d’utilisation des cartes de crédit les plus élevés au monde». M. Lemoyne rappelle également que ces frais, qui s’insèrent dans les coûts généraux d’opération, se répercutent nécessairement sur le prix à la consommation. «C’est difficile de demeurer compétitifs.»

L’AMDEQ représente environ 1000 détaillants au Québec. Elle est membre de la coalition Small Business Matters, qui regroupe environ 25 associations qui vont valoir les intérêts de près de 100 000 petits détaillants au Canada.