Jean-François Bouffard défendra Jacko jusqu’au bout

EXOTIQUE.  Même si la Ville de Shawinigan tape du pied tout en invoquant son incapacité à intervenir et qu’un voisin s’en inquiète, la présence d’un fauve dans un quartier résidentiel du secteur Saint-Georges-de-Champlain semble bien là pour demeurer…

Propriétaire de Jacko, un serval de 55 livres, Jean-François Bouffard a profité du fait que le ministère de la Faune, des Forêts et des Parcs (MFFP) permet depuis deux ans au Québec la garde ce type d’animal exotique pour installer le sien en début d’année 2021 dans un enclos aménagé à l’intérieur de son garage. Jusque-là, le petit tigre africain comme on l’appelle également vivait dans un élevage en Ontario où son propriétaire venait le voir toutes les semaines.

Même si ce n’est pas son intention de développer une chatterie, le Shawiniganais souligne que le permis fédéral qui lui a été accordé lui permet d’avoir la garde de… quinze fauves sans que la municipalité puisse l’en empêcher. « Il y a une trentaine de servals au Québec, dont un à Mont-Carmel et un autre à Bécancour. L’ex-femme de Guy Laliberté en a même deux dans son condo à l’Hôtel Four Seasons, au centre-ville de Montréal. Et ça va se multiplier maintenant qu’on a le droit », prévoit Jean-François Bouffard qui parle de son animal comme d’un gros chien rapportant la balle lorsqu’on lui lance ou qui donne la patte quand on lui demande.

Faisant valoir les droits que lui accorde son permis, il souligne par ailleurs qu’il a toujours été transparent dans son intention de rapatrier son félin à Shawinigan depuis l’application de la nouvelle règlementation du MFFP. « J’ai appelé la SQ, les pompiers, la Ville, mon conseiller municipal Martin Asselin, le maire Angers, la SPA Mauricie. Je suis en contact régulier avec les agents de la faune. Tous mes voisins le savent et ils viennent le nourrir, quand ce ne sont pas leurs enfants qui viennent s’amuser avec. La Ville ne peut me l’enlever juste parce qu’un de mes voisins n’est pas content », met-il en garde.

Un enclos qui fait jaser

Dans le garage, Jacko vit dans un espace clos aménagé sur une mezzanine. En passant par une fenêtre à l’intérieur, il peut accéder à un enclos extérieur sans porte, de 18 pieds par 20 pieds. Les premières frictions avec la Ville sont survenues au cours de l’été lorsque Jean-François Bouffard a commencé l’aménagement d’un enclos extérieur de 30 pieds par 60 pieds par 18 pieds de hauteur à l’arrière de son garage.

« Je veux lui donner une qualité de vie, pas juste qu’il vive enfermé à l’intérieur. C’était tout ce qui a de plus sécuritaire, avec une clôture Frost 1 pouce de calibre 18 mais la Ville m’a dit que la règlementation interdisait les enclos de plus de 6 pieds et demi de hauteur », souligne le Shawiniganais qui a retiré le grillage depuis, laissant la structure debout pour l’instant. C’est à ce moment qu’il a construit un enclos temporaire de 18 pieds par 20 pieds.

Jean-François Bouffard estime que son serval lui coûte en entretien environ 50$ par jour, ou plus de 15 000$ par année. « C’est un animal exotique alors, je dois garder la chaleur du garage entre 24 et 28 degrés Celsius », explique-t-il. Se déplaçant sur une céramique chauffante et sous éclairage imitant la lumière du jour, Jacko est un carnivore qui se nourrit de crevettes, pétoncles, steaks, poussins, lapins, petits rongeurs, œufs de cailles, etc. « Jamais d’animal vivant, car il pourrait devenir agressif », souligne celui qui a fait passer des tests à son animal de compagnie par des spécialistes en Ontario qui ont déterminé qu’il avait un taux d’agressivité pratiquement nul. « Mes enfants couchent avec. Est-ce que vous pensez que je laisserais faire ça si je croyais qu’il est dangereux? »

Spécifiant qu’il a la loi de son côté, le Shawiniganais voudrait maintenant que la Ville s’assoie avec lui et profite de son expertise pour écrire un règlement adapté à la réalité. « C’est dans leur intérêt, car il va en avoir d’autres servals. Les permis ne sont pas si difficiles à obtenir. Pourquoi ne pas être en avant des autres? Au final, je veux qu’elle instaure des règles ou bien qu’elle me dise, on lâche prise et tu as le droit »,, termine le propriétaire de Jacko.

Interrogée par L’Hebdo sur ses intentions dans ce dossier, la Ville a réagi par un courriel indiquant que « bien que notre règlement général interdise les animaux exotiques, nous ne pouvons pas aller à l’encontre des normes déterminées par la règlementation provinciale. (…) Nous sommes actuellement en train d’analyser la possibilité de régir les types d’enclos pour assurer une cohabitation harmonieuse avec le voisinage. Ce travail doit se faire en lien avec le ministère pour assurer une cohabitation de nos pouvoirs. »

Qu’est-ce qu’un serval?

Originaire d’Afrique, le serval peut courir à une vitesse de 85 km/h, soit le deuxième félin le plus rapide au monde, après le guépard. Excellent chasseur, il peut bondir jusqu’à une hauteur de neuf pieds. Bien qu’encore présent à l’état sauvage sur le continent africain, leur domestication remonte au temps des Pharaons, en Égypte. Le serval est le seul fauve, avec le caracal, qui peut s’accoupler avec un chat ou une chatte domestique. Lorsqu’ils arrivent à terme, les rejetons de ces portées seront des félins hybrides de race Savannah.

Déjà propriétaire d’une chatte de race Savannah F4 (entre 6 et 12% de sang serval), Jean-François Bouffard a réussi dans les derniers mois à l’accoupler avec Jacko. Stérile à la naissance, Floky est environ le double de la taille de sa mère et la moitié de celle de son père. Le croisement d’un serval avec un Savannah F4 donne un Savannah F1, c’est-à-dire un chat ayant au moins 50% de gènes provenant d’un serval.  Extrêmement rares au Québec, ces Savannah F1 peuvent se vendre environ 18 000$ sur le marché, mais environ 30% fois plus aux États-Unis.