La Mauricie: terrain de jeu des skieurs
HISTOIRE. Cet hiver, la neige abondante a comblé les amateurs de ski, les faisant converger à Vallée-du-Parc ou Val-Mauricie. S’il y a aujourd’hui deux stations plein air dans la région, le portrait a déjà été très différent. À une certaine époque, on comptait près d’une dizaine de monts pour s’adonner au ski alpin.
TC Media a rencontré deux skieurs Shawiniganais, Guy Dufresne et Robert Maurais, qui ont accepté de replonger dans leurs souvenirs pour nous faire découvrir la région et ses skieurs dans les 75 dernières années.
De leurs débuts dans les pentes dans les années 1940 jusqu’à aujourd’hui, où le ski fait encore partie de leurs vies familiales respectives, ces deux skieurs peuvent en témoigner: il y a 50, 60 ou 70 ans, faire du ski c’était tout un sport! On était alors bien loin des remonte-pentes tout automatisés où il ne reste qu’à s’asseoir et se laisser monter, des chalets pour se réchauffer et des équipements de ski à la fine pointe.
«Au tout début, on prenait ce qu’on avait, se souvient Robert Maurais. On a même déjà utilisé des planches de bouleau avec le bout retroussé, on leur accrochait des attelages de cuir et on en faisait des skis.»
«Pour aller skier à Vallée Pruneau, on prenait le train à la gare de Shawinigan, on faisait un transfert à Saint-Georges-de-Champlain puis on débarquait à Saint-Jacques-des-Piles. De là, des chevaux nous tiraient pour monter», se rappelle Guy Dufresne.
M. Dufresne ajoute que quelques années plus tard, les chevaux ont été remplacés par un snowmobile pour grimper la montagne et aller rejoindre les pistes dans l’autre versant.
«Au début, il y avait ce qu’on appelait des "trains de neige", c’est-à-dire des trains qui amenaient 200 à 300 skieurs, qui partaient de Trois-Rivières jusqu’à Vallée Pruneau», ajoute M. Maurais.
Et bien avant l’arrivée des T-bars, les premières remontées mécaniques consistaient en un système de câble, qu’on appelait «rope tow».
«On s’accrochait à un câble pour monter. Ça usait les gants et les bords des manteaux!» raconte Robert Maurais en riant. En fait, dès qu’il y avait des côtes exploitables, on installait un câble avec un moteur de Chevrolet et des poulies et on avait une place pour skier», relate M. Maurais.
Un petit tour d’horizon
Parmi les centres de ski les plus connus au milieu du siècle dernier, plusieurs se souviendront du Mont Georges, situé à Baie-de-Shawinigan, de Vallée Pruneau, à Grande-Piles, Saint-Mathieu-du-Parc, Notre-Dame-du-Mont-Carmel, Val-Mauricie et Vallée-du-Parc.
Pourtant, dans les débuts de cet essor du ski dans la région, toutes les montagnes, même petites, qui offraient un potentiel de glisse, étaient exploitées.
Par exemple, dans le secteur Baie-de-Shawinigan, on sait qu’il y avait le Mont Georges. Mais un peu avant, tout près de là, une autre montagne portant le nom de Mont Gignac, a accueilli des skieurs comme les Weber, les sœurs Poirier, les Thériault, les sœurs Huguette et Élise Mugnier, les Lapointe, les Pomerleau, etc.
Un peu plus loin, sur la petite rivière Shawinigan, il y avait le centre de ski Glenada, où on avait aussi installé un câble pour remonter les skieurs.
«Il y avait aussi les côtes à Rocheleau (près de l’ancienne école Montfort et du club de golf Mémorial), où il y avait des activités le mercredi soir. On partait de la 4e rue, on allumait des flambeaux pour voir notre chemin et on traversait la rivière Saint-Maurice avec nos skis. On était plusieurs à aller skier là: des noms comme Ménard, Lafrenière, Perreault, Houle, Lavergne», se souvient M. Dufresne.
Guy Dufresne se souvient également avoir contribué, avec un certain M. Gélinas, à installer le premier chronomètre pour calculer le temps de descente des skieurs dans les compétitions. La Shawinigan Chemical et l’école technique de Shawinigan avaient fourni l’équipement nécessaire. «On est ensuite allé installer ce "timer" au Mont Orford, puis à Stoneham», mentionne-t-il.
Le saut à ski
À une certaine époque, le saut à ski était aussi très populaire chez les skieurs. L’un des sauts les plus connus, probablement du fait qu’il fût l’un des derniers encore en opération, se trouvait au centre de ski de Notre-Dame-du-Mont-Carmel.
Le saut, c’était un tremplin qu’on installait au bas d’une pente et sur lequel les casse-cous s’élançaient pour faire des figures. En fait, c’est ce qui allait initier le ski acrobatique dans les disciplines sportives.
«Il y a eu pendant longtemps un tremplin installé à Grand-Mère, près du pont St-Louis (parc de la rivière Grand-Mère), raconte Robert Maurais, qui se souvient très bien y avoir sauté lui aussi. Ensuite, le gros saut de la région était à Cap-aux-Corneilles, à Trois-Rivières. Ça sautait 200 pieds.»
M. Maurais cite entre autres Lucien Laferté et Jacques Charland, des skieurs de Trois-Rivières, devenus des champions sauteurs. Soulignons qu’à cette époque, Trois-Rivières était considérée comme le berceau du saut à ski au Québec.
«Quand ils ont fermé le Cap-aux-Corneilles, les skieurs se sont approprié Mont-Carmel», raconte M. Maurais.
Quelques pistes de ski
Vallée Pruneau
Vallée Pruneau, qui a vu le jour en 1938, est la toute première station de ski en Mauricie. Elle a connu une grande popularité dans la région au milieu du siècle dernier. Située dans la montagne du côté de Grandes-Piles (Saint-Jacques-des-Piles), la station a cessé ses opérations en 1987.
Camp Minogami
Au début des années 50, l’Américain Frederick Weicker fait aménager une piste de ski à son domaine de Saint-Gérard-des-Laurentides. Le site, baptisé Mino Gami, cessera ses opérations en 1960.
Mont Grand-Mère
Le Mont Grand-Mère était situé dans le rang Saint-Olivier, du côté de Saint-Jean-des-Piles. Le centre a été mis sur pied par le club de ski de Grand-Mère, puis a été opéré pendant quelques années par Robert Maurais.
Mont Georges
Situé à la Baie-de-Shawinigan, le Mont Georges a ouvert ses portes en 1957. Le centre offre aux skieurs un chalet au pied des pentes et des pistes illuminées pour le ski de soirée.
Cap-aux-Corneilles
Situé à Trois-Rivières, le Cap-aux-Corneilles était reconnu dans les années 1940-1950 pour son spectaculaire saut à ski, qui a fait naître de grands athlètes du saut acrobatique. Il était situé sur le flanc de la rivière et l’atterrissage du saut se faisait sur le Saint-Maurice, gelé évidemment!
Mont-Carmel
Le centre de ski Mont-Carmel est inauguré en 1954 par Roland Lapointe, puis Fernand Gauthier et Claude Barbeau prennent le flambeau en 1962. Le site est notamment reconnu pour son populaire saut, qui attire des skieurs de partout en province. Le centre fermera ses portes en 2012. La montagne revivra quelques années plus tard grâce au club Biathlon Mauricie.
Saint-Mathieu-les-Cantons
Le centre de ski Saint-Mathieu-les-Cantons, situé à Saint-Mathieu-du-Parc, a également connu plusieurs décennies de popularité, avant de vivre sa dernière saison à l’hiver 2006-2007. La remontée mécanique n’a pas été opérée l’hiver suivant mais les pistes étaient tout de même entretenues. L’équipement du site sera vendu à l’encan en 2009.
Val-Mauricie
La station plein air Val-Mauricie a vu le jour au milieu des années 1960, dans le secteur Shawinigan-Sud. Dans les années 1980, la station a ajouté à son offre des glissades sur tube. Depuis l’hiver 2006, la station est exploitée par le Parc de l’île Melville.
La Tuque
Le centre de ski de La Tuque a ouvert ses portes dans les années 1960. Il offre une dénivellation de 166 mètres. Un peu plus loin en Haute-Mauricie, les skieurs pouvaient aussi dévaler la montagne du Rapide-Blanc à l’époque où le village était bien vivant.
Vallée-du-Parc
Le centre, qui a débuté ses opérations en 1972, était voué à un avenir prometteur, offrant la plus grande dénivellation en Mauricie, soit 169 mètres. Avec les années, ses promoteurs ont développé le site pour en faire une station de choix et un fleuron pour la région.
Encore plus de pistes
À l’époque, plusieurs autres sites étaient exploités pour faire du ski. Rappelons notamment le Club de golf Grand-Mère, le Mont Gignac, les côtes à Rocheleau, Glenada (petite rivière Shawinigan), les côtes à Lambert, Cap-aux-Corneilles (Trois-Rivières), Saint-Jean-des-Piles, Saint-Étienne-des-Grès, Saint-Paulin, etc.