«L’Autre Monde»: une bière en l’honneur de Charles Desbiens

CHARETTE. Imaginer, créer et brasser des bières, c’est le quotidien de Pascal Desbiens depuis plus de 30 ans. Son travail a toutefois pris un tout autre sens dernièrement en fabriquant une bière en l’honneur de son garçon autiste décédé il y a 18 mois.

Témoin du parcours et de la vie de Pascal Desbiens, le sommelier en bières, Alain Harbour, a lancé l’idée en juin dernier de créer un tout nouveau produit, lequel permettrait de supporter la Fédération québécoise de l’autisme.

En plus, la Microbrasserie l’Arsenal de Charette, entreprise que M. Desbiens a jointe il y a plus d’un an, est aussi affectée et sensible à la cause. L’un des propriétaires, Nicolas Gagné, est aussi père d’un enfant autiste. Il était donc naturel pour l’entreprise de relever le défi. Après des essais et quelques ajustements pour assurer la plus grande qualité possible du produit, la bière l’Autre Monde a vu le jour.

«L’idée avait germé dans ma tête de faire quelque chose de semblable, mais je n’arrivais pas à attacher le projet. C’est Alain qui a facilité sa réalisation et qui m’est arrivé avec le projet de brasser une NEIPA, un style de bière qui provient de la Nouvelle-Angleterre», explique Pascal Desbiens, maître brasseur à la Microbrasserie l’Arsenal.

Don significatif

Le lancement de cette toute nouvelle bière a eu lieu à Québec, le 9 novembre dernier, en compagnie de la présidente de la fédération et des associations régionales d’autisme.
C’est à ce moment que la Microbrasserie l’Arsenal a annoncé son intention de remettre 20 sous par bouteille vendue à la Fondation québécoise de l’autisme. Puis, se sont joints au projet le distributeur de la brasserie, l’entreprise Transbroue, qui a décidé de participer à l’initiative en acceptant de remettre 10 sous par bouteille à la cause et de nombreux marchands qui ont décidé d’égaler le geste de la microbrasserie. «On peut aller chercher jusqu’à 50 cents par bouteille. La vente va au-delà de notre espérance. Plus de 10 000 bouteilles ont été vendues jusqu’à maintenant et les ventes continuent d’augmenter. Uniquement avec les dons promis par la microbrasserie avec la vente de cette bière, on estime avoir amassé jusqu’à maintenant un peu plus de 2 500 $. Si l’on calcule les dons de nos partenaires, on pense qu’on aura amassé entre 5 000 $ et 6 000 $ à la fin du mois. On peut croire qu’on va remettre près de 10 000 $ par année à la fondation», révèle fièrement M. Desbiens.

«Je le vois rayonner présentement et ça fait du bien»
– Pascal Desbiens, maître brasseur

Déjà un succès sur le marché

La Microbrasserie l’Arsenal explique la popularité de cette nouvelle bière par son goût, son authenticité, mais surtout parce qu’elle s’inscrit dans une nouvelle tendance populaire. «Le marché de la bière n’est plus ce qu’il était. Les amateurs de bière qui sont fidèles à une marque ou à un produit sont de plus en plus rares. Les gens veulent découvrir de nouveaux produits, si bien que nos produits réguliers qui étaient populaires lorsqu’ils ont été lancés deviennent de moins bons vendeurs au fil du temps. C’est comme ça partout», observe le maître brasseur.

«La bière NEIPA, c’est tout nouveau. Ça fait environ un an qu’elle est arrivée sur le marché. Ce sont des bières IPA tellement houblonnées, mais pas à l’ébullition, plutôt à la finition. C’est ce qui fait que l’amertume n’est vraiment pas tranchante. Elle est très douce et très tropicale. Son goût est plus fruité. C’est très trouble. Ce sont des bières qui ne sont pas filtrées du tout. Elles sont super faciles à boire parce qu’on a l’impression de boire un jus tropical».

Facile à boire, mais pas si facile à produire. Pascal Desbiens admet que la création de cette bière nécessitait un peu plus d’efforts et de travail. «J’en ai créé beaucoup des produits dans ma vie, mais celui-là a été le plus difficile à créer parce que c’est un nouveau style et ça prend des techniques de brassage complètement différentes que celles que j’utilise régulièrement. En plus d’être un challenge en soi pour la recette, vu qu’elle a été produite en l’honneur de mon fils, il fallait que la barre soit haute. Des NEIPA il y en a eu beaucoup cette année, mais on voulait que celle-là se classe dans le haut et pour ne pas qu’elle se perde».

La bière l’Autre Monde est disponible directement à la Microbrasserie l’Arsenal de Charette ou chez de nombreux marchands. Pour connaître le point de vente le plus près: www.transbroue.com

Une nouvelle étoile brille

Charles Desbiens est né avec le trouble du spectre de l’autisme léger auquel s’est greffé une déficience intellectuelle moyenne et des troubles obsessionnels compulsifs sévères. Son état s’est toutefois dégradé avec le temps et les médicaments. C’est avec un mélange d’émotions que Pascal Desbiens a accepté de partager son histoire. «Charles, c’était un enfant qui avait besoin de beaucoup de soins. Il pouvait être agressif ou s’il était content, il l’était fois mille. Dans les deux dernières années de sa vie, la médication ne fonctionnait plus. On a essayé d’autres médicaments et sont arrivées les crises d’épilepsie, comme subissent la plupart des enfants qui prennent beaucoup de médicaments. Ça peut être un effet secondaire. Sa dernière crise a été fatale. Il est décédé sur le plancher de sa chambre, en après-midi, à l’âge de 17 ans», confie le père.

Le deuil de M. Desbiens est toujours en cours. La création de cette nouvelle bière fait partie intégrante de ce processus et permet au maître brasseur de la Microbrasserie l’Arsenal de surmonter cette difficile épreuve.
Au moment de la confection de l’étiquette, les propriétaires de la brasserie lui avaient réservé une surprise. Une mention spéciale «En l’honneur de Charles Desbiens» a été ajoutée à celle-ci. «C’est une belle référence. C’est le fun. Je le vois rayonner présentement et ça fait du bien. Avec cette bière, il ne sera pas oublié. C’est vraiment un honneur pour moi. Quand j’ai vu l’étiquette pour la première fois, je me suis mis à pleurer», relate-t-il.

À propos  du logo…
L’image de cette bouteille a été réalisée par Arnaud Wurm Munoz, une personne autiste.