Le combat d’une vie

Mener un combat n’est jamais facile. Imaginez lorsque celui-ci est contre la Commission de la santé et de la sécurité au travail (CSST). C’est pourtant ce qu’a entrepris la Shawiniganaise Suzanne Beaulieu. L’octogénaire se bat depuis plusieurs années pour faire reconnaitre que son mari, Yvan Beaulieu, décédé en 2008, était atteint d’une maladie causée par son emploi et non pas d’une cause personnelle.

Le couple a été marié 52 ans. M. Beaulieu a travaillé pendant 40 ans dans les produits chimiques à la Shawinigan Chemicals Limited. Si la dame avoue qu’elle avait délaissé un peu le combat ces dernières années pour s’occuper de son mari et reprendre son souffle, elle veut maintenant que justice soit rendue.

L’histoire commence en 2001, lorsque M. Beaulieu entre dans un semi-coma du 29 juin au 12 juillet. «Quand il est entré à l’hôpital, la docteure est venue me voir pour me dire qu’il avait les poumons très détériorés. Elle lui a fait passer une bronchoscopie et un scanneur.» Ces examens ont confirmé que M. Beaulieu n’était pas atteint d’un cancer, mais que son poumon droit ne fonctionnait plus. «Je lui ai demandé si c’était à son travail qu’il avait pris ça et elle m’a répondu très certainement. C’est à ce moment-là que je lui ai demandé si je pouvais faire une réclamation à la CSST. Elle a fait ses propres rapports, mais il fallait que j’aie un avis médical d’un médecin de la CSST. J’ai demandé à voir ce rapport.»

C’est à partir de ce moment que les embûches ont commencé pour la femme. «Lorsque j’ai eu ce rapport en 2001 de la part d’un médecin, il m’a glissé un autre dossier de 1982 lorsqu’Yvan avait passé des examens pour les poumons. En près de 20 ans, je n’ai jamais eu connaissance de ce dossier qui mentionnait des informations importantes au sujet de la santé de mon mari.»

Une maladie professionnelle?

M. Beaulieu a pris sa retraite en 1991 et Suzanne Beaulieu affirme que son mari aurait dû avoir son indemnisation en 1982, lorsqu’il a terminé à la Chemicals. «Pendant tout ce temps et jusqu’en 2001, je n’ai jamais pu voir que les poumons de mon mari étaient en train de se dégrader.» De l’aveu de sa femme, tous les médecins régionaux s’entendent pour dire qu’Yvan Beaulieu avait une maladie professionnelle.

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«J’ai tellement de preuves que mon mari est mort d’une maladie professionnelle que je me suis dit que je ne lâcherai pas. Nous avons eu deux expertises de la CSST. J’ai reçu la première le 18 juillet 2002. Cette expertise intégrale mentionnait qu’il avait une maladie personnelle. Le document était truffé d’erreurs. Cette expertise était complètement contradictoire à ce que tous les autres médecins avaient mentionné!»

L’histoire s’est par la suite déportée en cour. Mme Beaulieu a consulté le barreau qui lui a référé à un avocat. Celui-ci a demandé une deuxième expertise qui est allée dans le même sens que la première. «Il n’a ni plus ni moins pris l’autre dossier de la CSST et il l’a arrangé comme ça lui convenait!», laisse tomber Mme Beaulieu.

Jusqu’au bout

Elle persiste et affirme que tout ce qu’elle obtient de la CSST est lésé et falsifié. «Je ne suis pas capable d’abandonner. Il faut que j’aille jusqu’au bout avec ce dossier. Mon mari à sa mort m’a demandé de le faire.» Une révision de son dossier a été demandée en décembre 2007. Celle-ci a été refusée parce que les dates ne concordaient pas. «Ils n’ont rien pris de mon dossier. Je me ramasse vis-à-vis rien. Je dénonce la corruption qu’il y a dans la CSST. Avec tout ce qu’il avait, il aurait pu régler en 2001. Ils n’ont rien fait. Ils ont attendu la mort de mon mari!»

«On est pris dans la machine et nous ne sommes pas capables d’en sortir. Je me retrouve devant rien aujourd’hui. Je me suis dit que j’allais au moins informer les gens. La mort de mon mari est une plaie. Je vais toujours l’avoir et il faut que je passe par-dessus, ça fait partie de la vie, mais le coup de poignard, il faut qu’il sorte. Je ne suis plus capable d’endurer ça. Tout ce qu’ils ont fait dans ce dossier! Je ne me rendrai pas malade, mais il faut que je me défoule à quelqu’un. Je veux que justice se fasse. Je ne suis pas un torchon, même si je suis âgée. Il ne faut pas que ça reste comme ça sinon personne ne pourra faire valoir son droit. Je trouve épouvantable de faire des affaires comme ça!»

Au bout du compte, Suzanne Beaulieu espère et trouve toujours l’énergie de se battre contre la grosse machine. Chaque fois qu’elle s’apprête à baisser les bras, quelqu’un revient toujours par en arrière pour lui dire de ne pas lâcher le morceau.