Le cube Rubiks
Qu’on se le dise, l’humain a la fâcheuse tendance de juger tout ce qui entre dans son champ de vision. Il jette simplement un regard et ensuite, il tire ses propres conclusions.
Amélie Vallée.
À la manière des aliments défilant sur le tapis de la caissière à l’épicerie, nous sommes à la merci du rayon infra-rouge qui déterminera notre valeur.
Personne n’aime être jugé par les siens. Malheureusement, on a tous vécu un moment où le regard des autres s’est posé sur nous de façon indélicate. Et à l’inverse, on a tous déjà été l’instigateur d’un regard attentatoire.
Pour quelle sacro-sainte raison avons-nous ce réflexe primaire d’évaluer la qualité de quelqu’un par ce qui est perceptible? Parce que, disons-le, si on ne s’était attardé qu’à l’apparence d’une racine de gingembre, on n’en n’aurait probablement jamais connu les vertus!
Je sais. C’est difficile de l’admettre. Nous ressentons un malaise avec ce côté de notre personnalité. Pourtant, il est bien présent.
J’ai parfois l’impression que nous jugeons les autres pour assouvir un trouble obsessionnel compulsif: celui du classement. Un peu comme si on ressentait un contentement à classer les gens dans des cases hermétiques. La même satisfaction que celle qui naissait lorsqu’on complétait un cube Rubiks avec succès. Souvenons-nous: on alignait toutes les cases jaunes d’un côté du prisme, les bleues sur le haut, les blanches en-dessous et ainsi de suite… Qu’une personne déambule devant nous avec un t-shirt de loup, un toupet mauve ou un tatou de Betty Boop, notre cerveau se fera un plaisir de lui attribuer une case.
Je vous entends me dire que ce ne sont pas tous les gens qui passent leur temps à juger. Effectivement, je vous l’accorde, certains maîtrisent l’art du cube Rubiks avec une habileté plus déconcertante que d’autres!
Tout de même.
Je pense que peu importe la fréquence à laquelle on ressort notre cube Rubiks, on devrait réinventer notre façon d’y jouer. Pourquoi ne pas plutôt viser un cube qui ne rallie pas les mêmes couleurs d’un même côté? Il sera inévitablement moins réussi d’un point de vue esthétique… Mais, peut-être que la case jaune prendrait plaisir à côtoyer la case bleue si on lui en laissait la possibilité. Il se pourrait même qu’elles se trouvent des affinités entre elles, non?
Puisque sous l’étiquette colorée se cache immanquablement une profondeur infinie impossible à détecter avec un simple coup d’œil, que diriez-vous si en ce début d’année, on essayait de cesser de se gaver dans ce qui paraît? Peut-être nous resterait-il un petit peu d’appétit pour goûter à l’imperceptible?