Le secret de famille de François St-Martin
MÉMOIRE. Pour tous les Québécois, le prénom Aurore symbolise la maltraitance faite aux enfants. Pour François St-Martin, il évoque le souvenir d’une grand-tante qu’il n’a évidemment jamais connue, la sœur de sa grand-mère…
Il y a 100 ans jour pour jour ce 12 février que la petite Aurore Gagnon, 10 ans, décédait des suites des brutalités inimaginables infligées par sa belle-mère. Au procès survenu quelques semaines plus tard, c’est le témoignage accablant de sa sœur, Marie-Jeanne Gagnon, qui mènera à la culpabilité de Marie-Anne Houde. Condamnée à mort, sa peine fut commuée à la prison à perpétuité par la suite.
«Je l’ai connue sous le prénom de Bernadette», raconte François St-Martin. Comme tous les petits-enfants St-Martin, le scénariste de Dans la tête de François a ignoré jusque dans les années 1990 que sa grand-mère avait vécu une enfance dramatique connue de tous les Québécois.
«TVA diffusait une série appelée Les grands procès dont l’une des émissions portait sur Aurore, l’enfant martyre. On y apprenait que sa sœur Marie-Jeanne était inhumée aujourd’hui à Shawinigan. C’est ainsi qu’on a fait le rapprochement avec notre grand-mère», poursuit François St-Martin.
Décédée en 1986 à l’âge de 79 ans, la sœur d’Aurore a fait des études d’infirmière puis a rencontré et marié à Shawinigan, Cléo St-Martin. Le couple aura eu huit enfants. Alors que les journaux de l’époque évoquaient toujours Marie-Jeanne en relatant l’affaire, c’est sous le prénom de Bernadette qu’elle a fait sa vie à Shawinigan. Sur la pierre tombale au cimetière Saint-Joseph, son nom est d’ailleurs inscrit comme Jeanne-B. Gagnon.
«C’est un secret dont on ne parle pas beaucoup dans la famille, confie François St-Martin. Je pense qu’en n’en parlant pas, ses enfants ne voulaient pas lui faire de peine, la protéger de ces souvenirs malheureux.»
Il était adolescent lorsque sa grand-mère est décédée, mais François St-Martin conserve le souvenir d’une grand-maman typique, toujours douce et qui prenait soin de tout le monde. «On m’a raconté que si elle était devenue infirmière, c’est à cause de tout ce qu’elle avait vécu dans son enfance et qu’elle voulait faire le bien en donnant des soins aux gens.»
Rappelons que l’histoire d’Aurore Gagnon a fait l’objet de livres, documentaires, d’une pièce de théâtre, mais c’est surtout grâce au cinéma qu’elle aura été connue. Deux films lui ont été consacrés en 1951 et 2004.