Leçons de cyberintimidation

TÉMOIGNAGES. Trois élèves de l’école secondaire des Chutes qui ont vécu de la cyberintimidation ont accepté de partager leur expérience et les leçons qu’ils en ont tiré.

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Valérie Doucet, 15 ans, a vécu une période sombre à son arrivée au secondaire, dont les conséquences se font encore sentir aujourd’hui. «Je suis encore sensible. Je n’ai pas beaucoup confiance en moi, mais ça va se développer avec le temps», explique-t-elle avec maturité.

La jeune femme vivait alors des situations difficiles dans sa vie personnelle. «Ça jasait de mes histoires sur Internet sans gêne. Je pouvais me chicaner avec une personne et elle faisait un statut sur moi. Tout le monde jugeait, laissaient leurs commentaires. Je ne pouvais pas voir, ni lui dire d’arrêter, elle m’avait bloqué.» L’intervention de la police a été nécessaire.

Jean-Alexis Monette, 15 ans, élève en adaptation scolaire, a aussi fait appel aux policiers pour usurpation d’identité.

«J’ai été victime de cyberintimidation avec de faux comptes. Des personnes s’amusaient à écrire comme si c’était moi. Ils venaient m’intimider et intimider d’autres personnes. Ils s’amusaient à dire des trucs qui se disaient en classe», explique-t-il. «On a dénoncé aux intervenants de l’école. Ça a fini en médiation avec un organisme. Il y a eu une enquête policière parce qu’on n’arrivait pas à trouver qui était l’intimidateur.»

De son côté, à 14 ans, l’élève de troisième secondaire Mariebelle Rondeau a appris à se protéger. «Je vivais de l’intimidation au primaire. Je ne voulais pas que ça sorte de l’école. Je me suis dit que si j’avais un compte Facebook ou autre, je n’allais pas mettre des informations trop personnelles.»

Elle ne publie pas beaucoup de contenu et elle discute avec des messages privés, mais elle n’est néanmoins pas à l’abri. «Quand ça faisait un mois que je sortais avec mon chum, je l’ai publié sur Facebook et des gens me jugeaient sans même me connaitre. Certains me disaient que j’étais trop jeune pour ça, d’autres me traitaient de salope, des choses comme ça.»

Des blessures qui restent

«Ça n’allait plus. Je suis tombée en dépression, poursuit Valérie Doucet. Je suis maintenant médicamentée depuis deux ans», confie-t-elle.

«Je trouve que je m’en sors quand même bien. Des gens me revoient aujourd’hui et me disent qu’ils ne pensaient pas que j’aurais pu continuer mon secondaire avec eux. Mon but c’est de leur montrer que je suis capable. Je n’ai pas changé d’école.»

De son propre aveu, elle est elle-même devenue intimidatrice à un certain moment. «À cette époque-là, je n’étais pas capable de gérer mes émotions. Je les gérais dans la colère. À force de se faire piler dessus, tu deviens le reflet de ce que tu as vu. C’est en rencontrant mon médecin et des psychologues que je me suis rendue compte que ce n’était pas normal et que ça ne servait à rien», poursuit la jeune femme.

Aujourd’hui, elle a de bonnes amies à qui se confier, mais elle vit de l’anxiété. «Je monte dix minutes à l’avance à mes cours parce que je n’aime pas ça voir le monde. J’angoisse. J’ai peur qu’ils se posent des questions à mon sujet.»

Protéger son intimité, aussi l’affaire des parents

Valérie Doucet a supprimé son premier compte Facebook. Elle est passée de 1000 à 500 amis. «Je n’accepte que le monde que je connais dans mes amis et je ne suis pas du genre à aller écrire des trucs trop personnels.»

Elle croit que les parents devraient porter plus attention aux pratiques de leurs enfants sur les réseaux sociaux et les faire réfléchir aux conséquences de leurs actes.

«Mes parents peuvent me demander de voir ce que je publie et à qui j’écris», explique de son côté Marie-Belle Rondeau. «Ils peuvent me demander de retirer certaines choses.»

Jean-Alexis Monette a eu l’appui de ses parents dans ses démarches. Somme toute, son histoire se termine bien. «Quand je repense à tout ça, je me dis que cette personne doit se sentir mal aujourd’hui. Ça s’est fini avec une bonne poignée de mains.»