Les amies de David, la promesse de Palmina

INCLUSION.  Dans la cour arrière de la résidence, Heihei, Maui, Nemo, Dorie et Elmo caquettent joyeusement à l’intérieur d’une ancienne maisonnette transformée en poulailler. 

« C’est une belle place pour se recueillir, se rappeler les beaux moments qu’on passait avec lui. C’est un endroit très précieux pour nous. Les poules sont contentes et ça fait comme le tour on dirait », confie Palmina Piacevole, les yeux embués.

Lorsque la Ville de Shawinigan a autorisé l’élevage de poules pondeuses l’an dernier, la Shawiniganaise d’adoption et son conjoint Claude Gordon ont vu la possibilité de remplir une promesse faite à leur fils décédé à la maison, entouré de ses jouets et de sa famille, le 10 juillet 2020 à l’âge de 26 ans.

Troisième enfant du couple, David Gordon est né en 1994 à Montréal avec le syndrome du cri du chat, une maladie reconnaissable par les pleurs du bébé aigus rappelant le miaulement d’un chaton. « Mon mari travaillait à Shawinigan et faisait des aller-retour tous les jours. Ce n’était pas une vie et deux mois après sa naissance, on a décidé de venir habiter en Mauricie dans une maison située près d’un hôpital », se souvient Palmina Piacevole.  

« Je ne me suis jamais arrêté à la maladie de David, poursuit-elle.   On l’a élevé comme son frère et sa sœur. Chez nous, la différence a toujours été une beauté et de pouvoir grandir avec lui, ça a permis à notre famille de connaître l’empathie, la compassion, la résilience, la détermination. C’est David qui nous a montré ce chemin-là. »

À sa maladie, le jeune garçon doit aussi composer avec des problèmes rénaux qui le suivront tout au long de sa courte vie. Lorsqu’il atteint l’âge de 20 ans, la situation se dégrade et sa mère est même prête à lui donner un de ses reins. « Les médecins nous ont dit qu’il ne pourrait supporter ce type d’opération et que vu son état,  il ne lui restait peut être qu’un mois à vivre. »

Un verdict vécu comme un choc. Dans les six années suivantes, la maman et le papa établissent un rituel qu’ils observeront jusqu’au bout. « Au moment de se coucher, on allait dans son lit quinze, vingt, trente minutes où on lui transmettait tout notre amour. La vérité, c’est qu’on ne savait jamais s’il allait se lever le lendemain. David a toujours déjoué les pronostics et je crois que c’est parce qu’il ne savait pas lui-même qu’il était malade », raconte Palmina avec émotion.

David deviendra vers la fin de cette période la première personne au Québec vivant avec des limitations à avoir droit à une dialyse péritonéale qui implique l’implantation d’un cathéter. Entre novembre 2019 et juin 2020, il développera deux péritonites qui emmèneront ses parents à prendre la douloureuse décision d’arrêter les traitements. « J’étais soulagé parce qu’il allait pouvoir faire des choses qu’il avait toujours aimé comme jouer dans son bain ou dans son carré de sable, mais dans ma tête, je n’avais pas eu la réflexion qu’il allait mourir bientôt », confie-t-elle

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La promesse

Amoureux des animaux, un pèlerinage au zoo était au programme chaque été, le jeune homme regarde religieusement ses émissions préférés, dont Pat Patrouille. « Dans la série, il y a une poule que David aimait et on lui disait:  »Un jour, on va en avoir nous aussi. »  Il avait même déjà trouvé les noms qu’elles allaient avoir: Heihei, Maui et Nemo. Tous des personnages qu’il aimait beaucoup. »

Voilà un an que David est parti lorsque Palmina et Claude apprennent à l’été 2021 que la Ville de Shawinigan permettra aux résidents d’avoir des poules pondeuses en milieu urbain. C’est l’occasion de remplir leur promesse et tout de suite, la maisonnette dans laquelle leur fils s’était amusé durant des années allait être transformée en poulailler.

« Elles pondent leurs œufs à l’endroit où David allait jouer. Pour nous, c’est plus que des poules, ce sont comme des animaux domestiques. C’est très précieux. Et quand elles arrêteront de pondre, elles ne finiront pas en BBQ. On va leur trouver une ferme pour vieillir en beauté. David nous a tellement donnés. Les plus grandes leçons de vie, on les a apprises grâce à lui. Comme parents et autant pour son frère et sa sœur, il nous a fait devenir de meilleures personnes », termine Palmina.