Les autruches ne pondent plus
L’autruche avait fait son nid dans l’assiette des consommateurs de la région depuis que Steve Gauthier, de la Ferme La Grégorienne à Bécancour, a décidé il y a près de 10 ans de se lancer dans la production de cette viande exotique. Mais un obstacle de taille s’est élevé entre les producteurs d’autruche du Québec et leur rêve: la fécondité.
Dans la plupart des fermes de la province, les oiseaux ont effectivement presque arrêté de pondre. «Pour nous, c’est la dernière année», soupire Steve Gauthier, qui misait pourtant entièrement sur les autruches pour développer son entreprise. «Avec les années, on a découvert que les autruches pondaient de moins en moins, et pas seulement chez nous, c’est pareil partout au Québec et même en France», affirme-t-il.
D’un élevage en croissance au milieu des années 90, qui comptait alors plus d’une quarantaine de producteurs au Québec, l’autruche est effectivement presque abandonnée à l’heure actuelle. «Cet automne, quand je vais terminer, il va rester seulement trois éleveurs au Québec», note l’éleveur centricois.
«Il faudrait aller chercher d’autres autruchons en Afrique»
La cause du problème? «On ne sait pas très bien, mais on pense que c’est peut-être la consanguinité des individus ramenés d’Afrique et qui ont ensuite été multipliés», soulève M. Gauthier.
«La difficulté, c’est qu’on n’a pas les moyens de savoir vraiment ce qui se passe. Pour savoir si la consanguinité est en cause, il faudrait aller chercher d’autres autruchons en Afrique. Sauf que ça suppose d’énormes coûts. Il faut d’abord se rendre an Afrique, et comme il s’agit d’animaux vivants, on doit être accompagné d’un vétérinaire. Il y a aussi la grippe aviaire qui complique la situation: est-ce qu’on délivrerait les autorisations, est-ce que les oiseaux seraient en quarantaine? Ensuite, il faudrait tout simplement attendre que les autruches grandissent et se reproduisent pour voir si ça va mieux. C’est beaucoup de temps et d’argent tout ça. Il n’y a aucun producteur qui est capable d’assumer une telle charge», affirme-t-il.
Les Autruches de la Mauricie, un élevage dédié à l’autruche situé à Maskinongé, a ainsi déjà fermé ses portes, tout comme de nombreux autres éleveurs qui, un peu partout au Québec, ont choisi de passer à autre chose. Le scénario ne se répètera pas à Bécancour, mais il aurait pu affecter gravement la petite entreprise familiale qui, au départ, misait exclusivement sur le grand oiseau de 2 mètres pour assurer son développement. «Depuis 2007, on a commencé à diversifier l’entreprise. On a décidé d’aller vers le sanglier, pour lequel les consommateurs avaient déjà une curiosité, probablement à cause d’Astérix! Cette année, on a aussi introduit le bison», explique M. Gauthier. Les ventes, qui auraient dû baisser à cause de la baisse drastique de la production d’autruches, sont restées stables. Et dès 2009, l’entrepreneur espère une croissance, notamment via les produits préparés. «Dans le fond, ce n’est pas nous qui lâchons les autruches, ce sont les autruches qui nous lâchent!», philosophe-t-il.