Les maisons de demain analysées à Shawinigan

ÉNERGIE. C’est à Shawinigan qu’Hydro-Québec se prépare pour le futur lorsque les résidences seront intelligentes et produiront de l’électricité pouvant être vendue au voisin ou retournée sur le réseau.

Sur le site du Laboratoire des technologies de l’énergie (LTE), dans le Technoparc de Shawinigan, la consommation énergétique de deux résidences identiques à l’air banal est auscultée sans relâche, nuit et jour, 365 jours par année. «Nous récoltons des données sur 400 points de mesure», explique Ahmed Daoud, chercheur scientifique au LTE.

Inhabitées, ces résidences typiques du parc immobilier québécois sont équipées d’automatistes qui déclenchent douche, lave-vaisselle, cuisinière, etc. Tandis que la consommation électrique de première est contrôlée par des appareils intelligents, celle de la seconde est munie d’équipements standards comme on en retrouve dans la grande majorité de nos propriétés. «Cela nous permet d’établir des comparatifs», souligne John Gespo, chef du LTE.

«En tant que centre de recherches, c’est notre devoir de voir plus loin» – John Gespo

Car chez Hydro-Québec, il ne fait aucun doute que dans un horizon à court terme, les maisons québécoises deviendront moins mécaniques et plus organiques et vivantes avec des équipements pouvant être contrôlés par un iPhone par exemple. «Et l’étape suivante, c’est l’intelligence artificielle qui activera par exemple lui-même le chauffage, l’air conditionné, l’éclairage selon les habitudes du client, sans qu’il n’ait lui-même à le faire avec son téléphone», entrevoit Ahmed Daoud.

Cette tendance irréversible constitue un enjeu pour Hydro-Québec relève John Gespo. «Présentement, avec le système standard, le chauffage des maisons fluctue avec la température. Avec les appareils connectés, s’ils devaient être synchronisés pour ajuster le chauffage à la même heure, à la même seconde, l’impact serait gigantesque pour notre réseau électrique. La planification de la consommation devient plus difficile dans ce contexte. C’est primordial de pouvoir mesurer ça.»

Construites en 2012, ces deux résidences servaient aux départs à mener des tests pour mesurer l’efficacité énergétique. Depuis trois ans, elles ont été transformées en maisons intelligentes afin de préparer Hydro-Québec à être prête lorsque le parc immobilier québécois aura pris cette transition.

Et ces appareils connectés pouvant être contrôlés à distance sont une cible potentielle pour des pirates informatiques. Le LTE examine donc de très près tout l’aspect cybersécurité où un hacker pourrait pirater simultanément des milliers d’équipements contrôlant une charge électrique. «L’un de nos mandats, c’est aussi de conseiller le client vers les technologies les plus sûres et intéressantes», ajoute Ahmed Daoud, l’un des pionniers au Québec dans le domaine des maisons intelligentes.

Vendre mon électricité au voisin…

L’autre grand volet des recherches menées au LTE sur les bâtiments intelligents, c’est la décentralisation du réseau électrique.

«Actuellement, le modèle consiste en une centrale hydroélectrique, une ligne de transport, un réseau de distribution, une maison qui consomme et un client qui paie la facture», décrit Ahmed Daoud. Mais dans 20 ou 30 ans selon le chercheur, il faudra parler de microréseau qui permettra de vendre l’excédent de l’énergie qu’on aura emmagasinée dans une batterie, avec des panneaux solaires ou une tour éolienne par exemple, à son voisin, l’utiliser pour ses propres besoins ou la retourner dans le réseau d’Hydro-Québec en période de pointe hivernale par exemple.

«Il y a des avantages avec ce concept», ajoute John Gespo en donnant en exemple une panne majeure. «Dans la décentralisation, il y a une certaine forme d’autonomie pour le client.» Dans ce monde futuriste à portée de mains, le client pourrait utiliser l’énergie de la batterie de sa voiture électrique pour alimenter l’éclairage de sa maison ou alimenter ses appareils électroniques.

«Que l’on parle de panneaux solaires, d’onduleurs ou de batteries, le coût de ces équipements baisse toujours à mesure que les gens les achètent», souligne Ahmed Daoud. Ce n’est lorsqu’il y en aura une masse critique sur le marché qu’on pourra penser à mettre en place un système permettant des transactions entre les clients.

En attendant, Hydro-Québec s’affaire à tester ces équipements dans ses deux maisons de Shawinigan. Dans l’une d’elles, on retrouve notamment une batterie domestique Tesla de 10 000$ qui emmagasine l’énergie produite par un panneau solaire.

«Avant d’arriver entre la gestion transactionnelle entre clients, il faut s’assurer que l’énergie stockée dans ces batteries soit de la même qualité que celle qui circule sur le réseau d’Hydro-Québec»,  conclut le chef du LTE.