L’Odyssée d’André Perreault
50 ANS. Heureux qui, comme Ulysse, a fait un beau voyage est un célèbre verset inspiré du poème l’Odyssée racontant le retour à la maison d’Ulysse après 20 ans à vagabonder sur les mers. À sa façon, André Perreault jettera aussi l’ancre le 6 janvier prochain alors que jour pour jour, 50 ans plus tôt, il publiait son premier texte dans un hebdomadaire de Shawinigan.
Dans son édition amorçant l’année 1965, l’hebdomadaire La Voix, de l’éditeur Gilles Trudel, ouvrait ses pages à André Perreault, un jeune professeur déjà reconnu dans la communauté shawiniganaise pour ses aptitudes athlétiques. Dans ce reportage original, l’apprenti chroniqueur dressait le recensement des différentes associations chapeautant la discipline aquatique. Lors de ses premières années, l’enseignant en éducation physique signa de multiples chroniques coiffées du titre L’onde bavarde relatant les performances de ses nageurs aux quatre coins du Québec, dont celles de son frère Marcel.
L’acquisition au début des années 1970 de La Voix par L’Hebdo du Saint-Maurice emmena un changement de registre pour André Perreault. Sous le conseil de son ami et éditeur Michel Matteau, il commence à signer une chronique à potins où il relève les petits et grands secrets de ses concitoyens, connus et méconnus.
Rapidement, André Perreault constate que ses «vedettes» hebdomadaires valent bien plus que le paragraphe qu’il leur réserve. Chacune de ses chroniques sera dorénavant consacrée à faire le portrait d’une personne. Le concept de L’Entrevue, qui tient encore la route quatre autres décennies plus tard, était né.
De ces milliers d’entretiens patiemment recueillis au fil des ans, le chroniqueur dit avoir autant reçu que donné. «Vous avez été mon université de la vie, raconte-t-il en parlant de ses héros hebdomadaires. Ce que vous m’avez donné en confidence, l’université ne me l’a jamais appris.»
Il admet du même coup que son amour de la langue française recèle une filiation génétique indéniable. «Mon père Jacques, qui a travaillé toute sa vie à partir de 15 ans pour la Shawinigan Chemicals, écrivait sur des bouts de papier bruns des mots d’amour en quatrain à ma mère.»
De ces rendez-vous hebdomadaires vieux d’un demi-siècle, il avoue en avoir tiré lui-même un bénéfice secret: «Ça m’a offert le privilège de pouvoir parfaire ma langue.» Dans cet esprit, il conserve précieusement une lettre que lui a écrite il y a quelques années l’ex-premier ministre Bernard Landry qui louait son amour et sa défense de la langue de Molière. «Ça vient me dire que j’aurai été autre chose qu’un peddler de natation dans ma vie.»
De l’éboueur à Gilles Vigneault
André Perreault ne s’en cache pas, il a toujours cherché à aborder dans ses chroniques les secrets de l’âme humaine. «Je pars du principe qu’il n’y a pas une personne qui, si tu prends le temps d’aller au bout de ce qu’elle est, n’a pas quelque chose de phénoménal à raconter. Moi, je parle aux êtres humains.» Il tire donc autant de plaisir de son entretien avec l’éboueur qui venait cueillir ses ordures à Pointe-à-Comeau qu’avec le grand chantre Gilles Vigneault.
Celui-ci lui avait alors écrit un mot qui résume ce que lui, André Perreault, avait tenté de combiné toute sa vie: «Comme un marathon, la langue française s’apprécie un mot à la fois.»
Sa rencontre avec Gilles Grondin demeure aussi un moment impérissable dans son esprit. L’ex-maire et député avait accepté de le rencontrer alors qu’il était en fin de vie. «Je lui avais dit: je ne suis pas venu pour être le dictionnaire de ta vie politique, je suis ici pour parler des vraies affaires: de la vie, de la souffrance, de la mort. Au bout de notre entretien de plus de quatre heures, c’est la vie qu’il m’a enseignée», confie-t-il encore reconnaissant plus de 20 ans plus tard.
À 71 ans, André Perreault se fait un brin nostalgique mais la braise demeure toujours présente. «J’ai encore le goût d’écrire, lance-t-il. Il faut savoir tirer sa révérence avec élégance mais je m’aperçois que c’est plus facile à dire qu’à faire.»
Tout comme l’était Ulysse dans la légende, il se décrit volontiers comme un guerrier. Personnage grandeur nature s’il en est un, il mériterait lui aussi un verset pour rendre hommage à son périple amorcé il y a 50 ans: Heureux qui, comme André Perreault, a fait un beau voyage.
André Perreault en citations
«Je ne fais pas exprès pour paraître populaire»
«Si tu es dans ma trail, tasse-toi parce que j’ai des chances de me rendre quand même»
«Je n’étais pas dans la catégorie des grandes machines de courses mais des autobus scolaires»
«Ça va me prendre un cimetière qui prend l’eau»
«Ce n’est jamais les questions qui m’embêtent mais parfois les réponses»
«J’ai un tempérament guerrier. J’ai toujours essayé de faire mieux que ce que j’étais profondément»
« Ils n’ont jamais frappé une médaille assez mince pour qu’il n’y ait qu’un seul côté»