Monuments à l’abandon ou mourir une seconde fois
ÉPITAPHES. Un lieu digne d’un film d’épouvante sauf que le site n’a rien d’un décor.
Au bout de l’allée principale du Cimetière Saint-Joseph, un boisé. Le promeneur s’y engage puis bute sur une, deux, trois pierres… Il lève les yeux et en aperçoit des dizaines éparpillées ici et là, couchées sur le sol et ensevelies partiellement sous les feuilles d’automne.
Bienvenue au cimetière des morts. Une deuxième en quelque sorte pour ces Huard, Thibodeau, Ayotte, Mongrain, Dubé, Baribeault, Bourbeau, etc. dont les noms sont gravés sur ces monuments abandonnés.
Des passants découvrant ce site par hasard ont crié au sacrilège sur les médias sociaux. L’Hebdo s’est intéressé à la question pour découvrir que la pratique n’est ni la mieux, ni la pire dans l’univers obscur des cimetières.
Président de l’Association des cimetières chrétiens du Québec (ACCQ), François Chapdelaine répond souvent à ces gens indignés. «Généralement, tant qu’il y a encore de l’espace pour d’autres inhumations et que le monument ne présente pas un danger de tomber, le gestionnaire du cimetière va laisser la pierre tombale en place même si la concession n’a pas été renouvelée. Mais pour les petits et vieux cimetières qui manquent d’espace, il peut arriver qu’on les déplace dans un lieu un peu en retrait. Nous encourageons nos membres à avoir de beaux cimetières, à les mettre en valeur.»
Dans ce cas-là, le président de l’ACCQ suggère que le dépôt de monuments soit discret et à l’abri des regards. Au Cimetière Saint-Joseph, cette discrétion est quelque peu mise à rude épreuve à l’automne lorsque les arbres sont dépouillés de leurs feuilles. Le site est alors plus visible et peut choquer les âmes sensibles.
Gestionnaire du site, Sylvie Bournival rappelle que la règlementation du Cimetière Saint-Joseph prévoit que trois ans après la date d’échéance d’une concession, la fabrique devient propriétaire du monument et qu’elle peut en disposer comme elle l’entend. «Évidemment, on ne se lève pas le matin des trois ans en se disant qu’aujourd’hui, on va enlever la pierre tombale. Nous faisons plusieurs recherches pour retrouver les descendants. Nous apposons aussi un mémo sur l’épitaphe pour que la famille nous contacte.»
Signés parfois il y a plusieurs dizaines d’années, de nombreux contrats de concessions affichent des numéros de téléphone et des adresses qui n’existent même plus aujourd’hui. «Et il y a aussi des familles qui nous disent: On n’en veut plus. Faites-en ce que vous voulez. Les valeurs en 2019 ne sont plus ce qu’elles étaient auparavant.»
Des bordures de trottoirs…
François Chapdelaine souligne que bien que les monuments appartiennent à la famille des défunts, les descendants n’ont pas habitude de les revendiquer une fois que la concession est échue. «C’est bien rare qu’ils repartent avec la pierre sous le bras pour l’installer sur leur terrain», plaisante le président de l’Association des cimetières chrétiens du Québec.
Au Cimetière Saint-Louis et Saint-Paul, dans le secteur Grand-Mère, les règlements prévoient que les monuments abandonnés par les familles soient enterrés couchés à l’horizontale, avec l’inscription sur le dessus. Au Cimetière Saint-Michel à Shawinigan-Sud, relativement jeune puisque créé au début des années 1950, aucune pierre tombale n’a jamais été retirée, mais lorsque la question se posera, on les entreposera en retrait comme au Cimetière Saint-Joseph indique la directrice du site, Christiane Guilbault.
«Ici en région, on est chanceux, on est capable de les garder. Mais dans les grands cimetières comme à Montréal, ils font des trottoirs avec les monuments», relativise-t-elle.
Cimetières à Shawinigan
- Saint-Joseph (Shawinigan)
- Cimetière protestant de Shawinigan (Saint-Joseph)
- Crypte de l’église Saint-Pierre (Shawinigan)
- Sacré-Coeur de Belgoville (Baie-Shawinigan)
- Saint-Louis (Grand-Mère)
- Saint-Paul (Grand-Mère)
- Union Cemetery / St.Stephen’s Anglican (Grand-Mère)
- Sainte-Flore
- Notre-Dame-de-la-Présentation (Shawinigan-Sud)
- Saint-Michel (Shawinigan-Sud)
- Sainte-Jeanne-d’Arc (Shawinigan-Sud)
- Lac-à-la-Tortue
- Saint-Georges
- Saint-Gérard-des-Laurentides
- Saint-Jean-des-Piles (ancien)
- Saint-Jean-des-Piles