Nemaska Lithium: Michel Angers «profondément déçu et frustré»

SHAWINIGAN. La pilule est très difficile à avaler pour la Ville de Shawinigan et le maire Michel Angers suite à la décision de Nemaska Lithium de finalement choisir Bécancour et le parc industriel gouvernemental pour y installer son usine de transformation du lithium.

«Le ministre de l’Économie Pierre Fitzgibbon m’a appelé hier soir pour me faire part de la nouvelle. Je lui ai dit que le gouvernement du Québec a une dette envers Shawinigan et ses citoyens», souligne d’entrée de jeu le maire Michel Angers.

Les lèvres serrées, M. Angers affirme que la perte de ce projet d’un milliard de dollars est un deuxième revers pour Shawinigan avec le présent gouvernement en faisant référence avec la perte du pôle régional d’innovation qui devait s’établir au Centre d’entrepreneuriat.

«Je suis profondément déçu et frustré de la décision de Nemaska Lithium et je n’accepte pas du tout ses arguments, déclare le maire. Nous avons tout ce qu’il faut à Shawinigan pour repartir le projet de Nemaska Lithium et l’appui régional que nous avons eu dans les dernières semaines démontre qu’en plus, nous avons la confiance du milieu. (…) C’est de déshabiller Pierre pour habiller Paul, alors que Paul est déjà très bien habillé», image le maire en faisant référence au parc industriel gouvernemental de Bécancour.

Le maire Angers ne comprend pas l’argument du port en eau profonde à Bécancour, alors que la matière première proviendra par train de la mine de Whabouchi, et transitera par Shawinigan, avant de passer par Québec pour se diriger vers Bécancour.

Le premier magistrat n’accepte pas également l’argument des installations existantes à l’ancienne usine Laurentide, ce qui pouvait apporter des contraintes à l’entreprise. «Le parc industriel Alice-Asselin est plus que trois fois plus grand que ce qui est nécessaire pour les besoins de l’entreprise. Le seul élément que nous n’avons pas, c’est le port en eau profonde. Mais s’il faut que le développement des villes passe par ce critère au Québec, très peu de villes pourront avoir un développement fleurissant!»

Pour le moment, les installations en place et le terrain appartiennent à Nemaska Lithium. Questionné à savoir ce qu’il adviendrait du terrain et si la Ville avait un intérêt pour l’acquérir, le maire Angers a souligné qu’il était trop tôt pour le moment. «On va commencer par avaler la pilule. Mais on avait réservé ces installations pour Nemaska, et nous avons sûrement perdu des projets. Je veux que le premier ministre sache que le gouvernement du Québec a maintenant une dette envers Shawinigan et ses citoyens.»

Il a souligné encore une fois qu’il ne pouvait pas croire que le gouvernement n’avait pas son mot à dire dans cette décision après avoir investi une somme de 75 M$ lors du premier financement, et une somme additionnelle de 300 M$ lors du deuxième financement.

Le maire de Shawinigan comprend d’autant plus mal cette décision que Shawinigan a une expertise et un savoir-faire enviables dans le domaine de l’électrification des transports et les sources de mobilité durable. Plusieurs centres de recherche et des entreprises de pointe sont établis à Shawinigan, comme le LTE d’Hydro-Québec, le CNETE ou Addénergie et Elmec. Il y a deux ans, le Cégep de Shawinigan a également démarré une nouvelle attestation d’études collégiales pour répondre au besoin de main-d’oeuvre de Nemaska Lithium.

Déclaration de la députée

La députée du comté Laviolette-Saint-Maurice Marie-Louise Tardif a émis cette déclaration par l’entremise du cabinet du whip du gouvernement. «Je suis déjà en discussion avec le ministre Pierre Fitzgibbon pour développer de nouveaux projets, en misant sur les forces de Shawinigan. Notre expertise et nos projets innovants, notamment en matière d’électrification, seront au cœur de notre action. Ceci bénéficiera non seulement à la région, mais aussi au Québec tout entier.»

La directrice du CNETE commente

C’est le Centre national en électrochimie et en technologies gouvernementales (CNETE) qui a développé le procédé qui permet de transformer la matière première du spodumène du lithium en hydroxyde de lithium pour les batteries. «À titre de conseillère, c’est une grande déception de voir partir un beau projet comme ça. C’était un projet vert le plus carboneutre au monde. À titre de directrice du CNETE, Nemaska Lithium est l’un des clients du CNETE. On est là pour aider les entreprises du Québec à innover. Certaines découvertes de Nemaska sont issues de notre laboratoire, on en est fier. Pour l’équipe aujourd’hui, c’est un coup plus difficile parce qu’ils étaient fiers de pouvoir contribuer à la relance de leur ville. Est-ce que ça sera le procédé qu’on a développé qui sera utilisé? Ça demeure une question qui reste en suspens. Ça sera la décision des gens de Nemaska, je ne veux pas de mal à personne, je leur souhaite du succès.»

Une surprise pour le maire de Bécancour

Le maire de Bécancour Jean-Guy Dubois a avoué en entrevue que cette nouvelle était une surprise pour lui. «Les premiers effluves de cette nouvelle sont arrivés en fin de semaine. Je l’ai appris en même temps que tout le monde ce matin (mardi). Il faut comprendre que la Ville de Bécancour n’a fait aucun démarchage pour ça, et la société du parc industriel non plus. D’ailleurs elle n’a pas le droit. C’est une décision en haut lieu. Les installations portuaires sont ici, on est bien chanceux de les avoir. Ils pourront partir en neuf ici avec de l’espace dans un endroit qui est prévu avec les éléments autour. Il faut se réjouir que ça reste au Québec, et dans la région, ce que j’appelle la 417 avec la région 04 et la région 17 mixée ensemble. Tout le monde pourra en tirer avantage.»

Le maire Dubois indique avoir communiqué avec le maire Angers mardi matin. «Je comprends très bien la déception de Michel Angers. Mais je ne veux pas que ça soit considéré comme un combat entre deux villes, parce que ça n’en est pas un. Je souhaite que l’expertise du CNETE continue à être là. On est proche les uns des autres. Trois-Rivières, Shawinigan et Bécancour font partie d’un écosystème qui est intéressant, et que chacun peut en profiter à sa façon selon les expertises. On sait qu’il y a des expertises qui ont été développées à Shawinigan et que nous n’avons pas à Bécancour. Il faut le voir comme une opportunité plutôt qu’une menace.»

«J’ai de la déception et de la peine pour les gens de Shawinigan»

Il y a deux semaines à peine, le conseil municipal de la Ville de Trois-Rivières adoptait une résolution d’appui à la Ville de Shawinigan dans ses démarches pour l’établissement de l’usine Nemaska Lithium à Shawinigan. Aujourd’hui, le maire de Trois-Rivières, Jean Lamarche, partage la déception de Shawinigan dans ce dossier.

«J’ai de la déception et de la peine pour les gens de Shawinigan et pour le maire, Michel Angers. C’est important de considérer que la Ville de Shawinigan a mis des efforts et s’est investie corps et âme pour inclure une usine comme Nemaska Lithium chez elle. Beaucoup de gens ont travaillé pour ça et n’auront pas l’usine sur leur territoire finalement. Je comprends que les gens de Shawinigan soient déçus», commente le maire de Trois-Rivières, Jean Lamarche. «Il arrive souvent que des projets sur lesquels on travaille fort ne débouchent pas, mais c’est encore plus difficile quand le projet était sur la place publique.»

M. Lamarche entend continuer de travailler avec les partenaires régionaux, parmi lesquels Shawinigan et la Ville de Bécancour.«On verra comment on pourra travailler avec Bécancour dans ce projet. On est content pour Bécancour, mais on partage la déception de Shawinigan», conclut-il.