« On est en train de creuser un trou entrepreneurial »

 ENTREPRENEURIAT. Les coupes gouvernementales dans des programmes visant à stimuler l’entrepreneuriat viennent couper l’élan pris par la Mauricie dans le domaine, une région qui commençait tout juste à tourner la page sur son héritage industriel.

Au début du mois d’avril, le ministère de l’Économie, de l’Innovation et de l’Énergie a annoncé un plan de restriction budgétaire prévoyant dans les trois prochaines années des réductions de budgets dans les programmes Espace-inc (6,5 millions$), Persévérance (1,6 million$), Réseau Mentorat (4,5 millions$), La Ruche (3 millions$) et OSEntreprendre (2,2 millions$).

Une annonce qui a sidéré Roland Garceau, conseiller en démarrage d’entreprise à Shawinigan depuis plus de 30 ans, et Karine Genest, coordonnatrice d’Entrepreneuriat Mauricie et responsable du Défi OSEntreprendre.

Dans le cas de ce concours très populaire chez les jeunes entrepreneurs, la cure minceur imposée par le gouvernement ne remet pas en cause sa présentation dans l’avenir, mais signifie plutôt la suppression de postes dans les directions régionales, ainsi que des bourses qui étaient remises aux entreprises les plus méritantes.

« Ils disent que ce ne sont que des bourses, mais il faut voir plus loin que ça, réagit Roland Garceau. L’argent que l’entreprise n’aura pas, il va falloir qu’elle le trouve quelque part. Et ça va être probablement par l’endettement », poursuit-il en mentionnant quelques anciens lauréats du Défi OSEntreprendre comme les microbrasseries Le Trou du Diable, La Pêcheresse, À La Fût, Rien en se perd tou se crée, Rum & Code et Attractif, pour nommer que ceux-ci. Ces anciens récipiendaires ont été nombreux à s’exprimer dans les derniers jours sur les médias sociaux afin de souligner l’importance du Défi OSEntreprendre dans leur parcours entrepreneurial.

Ces coupes s’ajoutent à la suspension du programme Soutien au travailleur autonome (STA) décrété en 2024. « C’était l’une des mesures les plus rentables que le gouvernement n’a jamais faite. À chaque fois qu’il subventionnait 25 000$ un individu pour payer une partie de son salaire, ces gens-là créaient des emplois, faisaient des ventes, rapportaient de la TPS et de la TVQ. Il y a des entreprises nées de la mesure STA qui ont aujourd’hui 50, 60, 80, 100 employés et qui rapportent de gros sous au gouvernement depuis 15 et 20 ans. Quand je dis qu’on coupe actuellement dans nos revenus futurs, c’est en plein ce que ce gouvernement est en train de faire », déplore Roland Garceau.

La perte d’un effet de levier

À ses côtés, Karine Genest abonde dans le même sens. « Outre les bourses, il y a toute une visibilité reliée au concours Défi OSEntreprendre qui agissait comme effet de levier pour les vainqueurs. On a travaillé tellement fort à promouvoir l’entrepreneuriat, les PME, à diversifier le territoire et à le dynamiser. Avec ces coupes budgétaires, on est en train de creuser une tranchée très nette entre les PME et les travailleurs autonomes d’un côté et la grosse industrie de l’autre », craint celle qui a agi comme directrice générale de la Communauté entrepreneuriale de Shawinigan durant quelques années.

À propos de grandes entreprises, Roland Garceau ne peut s’empêcher de relever une ironie. « Investit dans 500 petites entreprises, c’est sûr qu’il va en mourir quelques-unes, mais la majorité vont continuer. Investit le même montant dans une seule entreprise, mettons Northvolt par exemple, qu’est-ce qui arrive quand ça disparaît? Il faut récupérer tout cet argent sur les 500 petites. »

Celui qui prendra sa retraite dans quelques semaines du Service de développement économique de la Ville de Shawinigan souhaite que le gouvernement revienne sur sa décision. « Ça serait souhaitable parce que là, on est en train de créer un trou entrepreneurial. Ça me fait penser à un agriculteur qui doit couper dans ses dépenses et qui décide de ne pas acheter de semences. Sur le coup, il est OK, mais au final, c’est dans ses revenus qu’il vient de couper », conclut-il.