Parc national de la Mauricie: avenir incertain pour la maison Vallerand
HISTOIRE. L’un des rares vestiges de l’époque des clubs de chasse et pêche est laissé à l’abandon dans le parc national de la Mauricie.
En prévision de son 50e anniversaire en 2020, le gouvernement fédéral a annoncé depuis trois ans des investissements de plus de 40 millions$ pour remettre à niveau diverses infrastructures et refaire la route panoramique qui relie les deux entrées principales: celles de Saint-Mathieu-du-Parc et du secteur Saint-Jean-des-Piles, à Shawinigan.
Pendant ce temps, le chalet centenaire en rondins juchant le lac Wapizagonke, communément appelé la maison Vallerand du nom de son ancienne propriétaire, dépérit tranquillement.
Construit entre 1916 et 1925 – la date exacte reste inconnue -, le bâtiment demeure le seul rescapé des clubs privés de chasse et de pêche avec les gîtes Wabénaki et Andrew, sur les rives du lac à la Pêche, et un autre chalet situé aux abords du lac des Cinq, propriété de la famille Brown, avant la nationalisation des lieux en 1972.
Un habitué du site a fait parvenir à L’Hebdo plus tôt cet été une série de photos prises de la maison Vallerand. Le chalet, qui a longtemps servi à loger des employés du parc, principalement des étudiants, était à l’abandon et en désordre. L’accès à l’intérieur ne posait aucuns soucis pour n’importe quels visiteurs – bien ou mal intentionnés – puisque la porte principale n’était pas verrouillée.
«Un intérêt absolument certain»
En 1990, Parcs Canada demandait au Bureau d’examen des édifices fédéraux du patrimoine de procéder à une évaluation des différents bâtiments datant d’avant la création du parc national de la Mauricie. C’est de cette initiative que les gîtes Wabenaki et Andrew, sur les rives du lac à la Pêche, obtiendront un statut patrimonial et les sous pour permettre leur restauration et préservation.
La maison Vallerand n’aura pas cette chance bien que l’auteur des rapports, Michel Bédard, écrive ceci à son sujet: «Le caractère rustique de cet intérieur persiste malgré certaines modifications survenues avec le temps, de sorte que le niveau plutôt élevé d’intégralité de l’édifice, tant au dehors qu’en dedans, fait en sorte que la maison Vallerand est d’un intérêt absolument certain. (…) La maison Vallerand rappelle aux visiteurs du parc le panorama dont bénéficiaient certains privilégiés au début du siècle, et que de plus en plus de gens de la classe moyenne pourront s’offrir après la Seconde guerre mondiale.»
Michel Bédard relève que son architecture se situe aux confins de plusieurs influences stylistiques amalgamées en un même bâtiment. Entre autres points d’intérêt, il note la «belle rotonde polygonale avec ses grands et multiples moustiquaires» et la «grande cheminée hors œuvre en pierres des champs.»
Parcs Canada en réflexion
Dans un échange de courriels avec la direction du parc national de la Mauricie, celle-ci a indiqué de ne pas être en mesure d’accorder d’entrevue sur le sujet pour l’instant. En guise de réponse, elle a mentionné «La résidence Vallerand a servi pendant plusieurs années à loger temporairement des employés de Parcs Canada, principalement des étudiants, pendant la saison estivale. L’utilisation de ce bâtiment comme lieu d’hébergement a dû cesser pour des raisons opérationnelles. Pour son utilisation future, Parcs Canada devra effectuer une évaluation approfondie afin de connaître l’état du bâtiment. Pour l’instant, l’échéancier de cette évaluation approfondie est à déterminer.»
Un gîte pour les artistes en résidence?
Dans plusieurs de ses sites au pays, Parcs Canada offre le programme <@Ri>Artiste en résidence<@$p> dans lequel un artiste professionnel est invité à venir créer une ou des œuvres directement sur place tout en bénéficiant du confort d’un logis, souvent des chalets rustiques comme s’y prêterait admirablement bien la maison Vallerand.
L’idée serait d’autant plus appropriée ici en Mauricie que la dernière propriétaire des lieux, Claudine Vallerand, alias Maman Fonfon qui anima une émission pour enfants de 1955 à 1962 à la télé de Radio-Canada, comptait plusieurs amis proches dans la colonie artistique québécoise. On raconte même que Claude Léveillée y serait venu fredonner »Frédéric » et autres de ses classiques autour du foyer en pierres des champs.
Mettre en valeur l’histoire des clubs privés
Josée Vallerand s’est rendue au parc national de la Mauricie il y a cinq ans afin de revoir le chalet et le site où elle séjournait durant l’été en compagnie de sa grand-mère, Claudine Vallerand.
«J’avais emmené mes enfants mais ils n’ont pas été impressionné vu l’état où cela était rendu», raconte-t-elle au téléphone. Informé de la décrépitude des lieux et prenant connaissance des photos prises en début d’été, la Montréalaise s’en désespère mais ne s’en étonne pas.
«J’ai visité plusieurs parcs nationaux, au Nouveau-Brunswick et à l’Île-du-Prince-Édouard par exemple, et les bâtiments sont souvent laissés à pourrir sur place.» Muséologue de profession, elle trouve dommage que les autorités du parc national ne mettent pas en valeur toute cette riche histoire des clubs de chasse et pêche.
C’est son arrière-arrière-grand-père Louis-Alphonse Boyer qui a fondé le Shawinigan Club et le Laurentian Club à la fin du XIXe siècle. Et c’est son arrière-grand-mère Marie Antoinette Boyer qui acheta le chalet en 1925. Il demeurera dans la famille jusqu’à ce que le gouvernement procède par expropriation en offrant 63 000$ à Claudine Vallerand en 1972.
Une cinquantaine de bâtiments
Au plus fort de l’ère des clubs privés dans la première moitié du XXe siècle, on comptait environ une cinquantaine de bâtiments éparpillée sur ce qui est aujourd’hui le parc national de la Mauricie. La presque totalité seront démolie dans les années 1970.