Pour l’amour des chevaux canadiens

PATRIMOINE. Le nationalisme peut prendre différents visages. Pour certains, ça sera la langue ou l’histoire; pour d’autres, le drapeau ou les traditions. Chez Vanessa Turcotte, il revêt la forme du cheval canadien.

«C’est un trésor national», clame celle qui possède une dizaine de chevaux canadiens pur-sang originels sur un lopin de terre dans le rang Saint-Louis, à Notre-Dame-du-Mont-Carmel.

First Farms Chevaux Canadiens (FFCC) est d’ailleurs l’une des rares fermes d’élevage au Québec à se spécialiser dans cette lignée chevaline. «Il est très peu connu, mais surtout, c’est une race en déclin», déplore Vanessa Turcotte qui est aussi présidente de l’Association québécoise des chevaux canadiens.

Alors qu’on comptait environ 500 enregistrements par année en 2004, on n’en dénombrait plus que 126 en 2018. «À l’image des Québécois, c’est un cheval qui a traversé les siècles à travers les guerres et les intempéries. C’est un cheval très fort, inépuisable et familial. Tu peux l’atteler pour tirer une calèche ou lui mettre une selle pour le monter. Tu ne vois pas le bout avec lui», rappelle la jeune femme de racine autochtone du côté de sa mère, une Abénaquise d’Odanak.

Depuis des années, VanessaTurcotte visite les écoles avec ses chevaux pour faire connaître ce trésor caché. «Je fais ça bénévolement. Je veux emmener les gens à développer une fierté par rapport au cheval canadien. Pour la plupart, ils ne savent même pas qu’on a ça ici.»

SQ et MTQ

En 1999, le gouvernement du Québec a reconnu par une loi le caractère patrimonial du cheval canadien – tout comme la vache canadienne et la poule chantecler –  mais ce n’est pas suffisant estime la Montcarmeloise. «Pour que les Québécois en soient fiers, il faut aussi le promouvoir. Il faudrait que dans les parades, on retrouve toujours des chevaux canadiens, qu’on fabrique du fromage avec du lait de la vache canadienne, qu’on serve du poulet chantecler dans les restaurants.»

Pour l’instant, les démonstrations patriotiques en ce sens sont rares si ce n’est que les patrouilleurs équestres de la Sûreté du Québec montent sur des chevaux canadiens. Et depuis 2007, le ministère des Transports affiche un cheval canadien sur ses pictogrammes indiquant la présence de cavaliers sur une route.

Environ deux poulains naissent chaque année chez First Farms Chevaux Canadiens qui offre aussi le service de reproduction avec leur étalon pur-sang, bien trop peu pour assurer une descendance à long terme.

«Des fermes d’élevage comme ici, il n’en existe presque plus au Québec. Des particuliers vont acheter un cheval canadien, mais ils vont soit le castrer ou si c’est une jument, ils ne la feront pas nécessairement reproduire parce que ça coûte quand même cher d’avoir des chevaux en pension. Et ceux qui en possèdent un n’ont pas tous les connaissances des standards à respecter pour préserver la race. C’est comme si c’était à l’oubli», s’attriste-t-elle.

Qu’est-ce qu’un cheval canadien?

C’est le roi Louis XIV qui a envoyé un premier cheptel (12 juments et 2 étalons) de chevaux en Nouvelle-France en 1665. Rapidement, les colons l’adoptent en l’employant pour le labour et le transport. Par manque de moyens, ils l’abandonnent dans la nature l’hiver pour le récupérer au printemps. La sélection naturelle aidant, les survivants ont développé une génétique puissante qui en fait aujourd’hui un cheval robuste et polyvalent. Il est reconnaissable sous divers aspects physiques: modeste taille (14 à 16 mains), petites oreilles, yeux exorbités, front large, dos court, absence de garrots et solides sabots tout-terrain. Les chevaux canadiens habitent principalement au Québec, mais on en retrouve aussi en moindre mesure dans l’Ouest canadien et aux États-Unis.