Pour l’amour des résidents

SOLIDARITÉ. Le Centre d’hébergement de soins longue durée (CHSLD) Laflèche a fait les manchettes à plusieurs reprises dans les dernières semaines. Mais pas pour les raisons qu’on lui souhaiterait.

Durement touché dès le début de la pandémie, le Centre Laflèche a eu son lot de drames. Il fallait être à l’intérieur des murs pour bien mesurer l’ampleur de cette détresse… et la solidarité qui s’en est dégagé.

Médecin en soutien à domicile, Nathalie Brui est venue donner un coup de main à Laflèche le 2 avril dernier. Elle ne se doutait pas qu’elle y serait encore un mois plus tard. Comme certains médecins du centre ont dû se retirer, Dre Brui et trois autres collègues ont pris la relève pour toute la durée de la pandémie, pendant que d’autres se sont occupés de leurs patients dans les autres résidences. Il n’était pas question de risquer de transporter la COVID-19 dans un autre établissement.

«Quand je suis arrivée, c’était encore le début. Tout le monde s’est un peu fait prendre par la crise. Mais sur le plancher, l’organisation s’est faite à triple vitesse pour tout le monde, c’était assez extraordinaire», témoigne-t-elle.

Des préposés aux bénéficiaires jusqu’aux infirmières et aux médecins, en passant par les préposés à l’entretien et autres corps de métier, elle affirme que tout le monde s’est serré les coudes plus que jamais.

Une solidarité qui mérite d’être mise en lumière.

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Il y a tout d’abord eu l’irréductible village gaulois, comme le surnomme Dre Brui. Alors que chaos s’était installé partout dans l’établissement, une équipe du premier étage a décidé de prendre les grands moyens. Les membres du personnel, en grande partie des infirmières auxiliaires, ont volontairement préféré se répartir les tâches entre elles, en s’isolant des autres étages. Elles ont choisi d’alterner des gardes de 16h et d’affronter l’épuisement plutôt que de risquer que leurs résidents soient contaminés. Et cela a porté fruit! Malgré quelques asymptomatiques, cette unité a été pratiquement épargnée.

«Je les appelais le petit village gaulois, souligne Dre Brui. Elles ont résisté à la crise de façon extraordinaire, grâce à l’autonomie des infirmières auxiliaires qui ont tenu le fort. Elles ont sauvé une partie de leur étage!»

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Ensuite, il y a eu cette volonté de mettre en contact le plus possible les résidents avec leur famille. D’où l’arrivée des tablettes électroniques pour faire des appels vidéo.

Dre Brui n’a pas eu à militer très longtemps pour qu’on accède à cette idée que lui avaient inspirée des employés sur place, qui utilisaient leur propre cellulaire pour permettre aux résidents de voir leur famille en «Facetime». À peine la demande envoyée, le CIUSSS fournissait l’équipement. La directrice générale de la Fondation de la SSS de l’Énergie, Amélie Vallée, a elle aussi pris les choses en main et en très peu de temps, six tablettes Ipad de plus arrivaient au centre Laflèche. D’ailleurs, la générosité de la communauté a aussi permis à la Fondation d’en procurer à d’autres unités, dont celle des soins palliatifs de l’hôpital.

«Maintenant, on est dans Laflèche qui revit!»

– Dre Nathalie Brui

Au-delà des soins médicaux

Comme les possibilités au niveau médical sont limitées, dû au fait qu’il n’y a pas de traitement à la COVID-19, Nathalie Brui s’est donné une autre mission, celle d’alléger le fardeau des familles en leur donnant des nouvelles et en les mettant en contact avec leur proche.

«Comme je ne pouvais pas faire beaucoup de choses pour sauver le patient, je me suis dit que j’allais sauver la relation!»

En plus de leur permettre de voir leur proche de façon virtuelle, elle a mis un point d’honneur à appeler les familles, avec ses collègues. «On a passé la majorité de notre temps au téléphone avec les familles. On voulait prendre le temps de leur donner des nouvelles, les préparer, leur parler de notre plan d’action, leur dire ce qui se passerait dans les prochaines semaines.»

Même si ça ne fait pas partie des tâches habituelles, tout le monde a fait ce qu’il avait à faire. «Il faut reconnaitre l’énorme capacité d’adaptation et le travail des personnes, observe le médecin. Ils avaient tous beaucoup de travail. Et de la peur à travers tout ça. Leurs collègues tombaient malade, ils ont travaillé à effectif réduit la plupart du temps, surtout les premières semaines.»

«Malgré tout, c’était toujours la priorité aux patients. Le patient a toujours passé en premier, et eux, en deuxième.»

On fête les bonnes nouvelles!

Pour chaque résident décédé du coronavirus, ce sont tous les membres de l’équipe qui ont vécu un deuil. Parce qu’ils côtoient ces personnes au quotidien, et ce, depuis plusieurs mois, voire années. Aussi parce qu’ils connaissent les familles et compatissent à leur souffrance mais surtout, parce qu’ils auraient tellement aimé que cela se termine autrement pour eux.

«Ça prend un grand cœur pour faire leur travail, ajoute-t-elle. Mais ce grand cœur a été brisé plusieurs fois», confie celle qui a observé beaucoup d’inquiétudes des employés envers leurs patients.

Mais quand on leur confirmait qu’un résident avait vaincu le virus, un sourire l’emportait sur tout le reste. Le 22 avril dernier, 13 résidents ont été déclarés officiellement guéris. On a donc gonflé les ballons et sorti la guitare pour chanter et danser. L’ambiance était à la fête!

Même si on sait bien qu’il ne faut pas crier «victoire» trop vite, on se réjouit de voir les résidents reprendre des forces et afficher de nouveau un sourire aux lèvres.

Retour à vie normale

Dans la semaine du 20 avril, on a entamé une nouvelle étape, celle de procéder peu à peu au déconfinement des étages. «On veut permettre aux gens de retrouver une vie plus normale.» On attend que ça fasse suffisamment longtemps que la maladie est passée avant de laisser les patients se promener librement sur l’étage, avoir de nouveau accès aux aires communes, à la salle à manger, etc.

On a aussi entrepris de remettre sur pied les résidents. «On a mis la nutrition, l’ergothérapie, la physiothérapie à contribution pour les aider à retrouver leur état fonctionnel d’avant la crise», explique Dre Brui.

Soulignons aussi que les employés qui avaient été infectés par le virus sont de retour au travail, en santé. Malgré le stress et les craintes qu’ils ont pu éprouver, ils ont revêtu leur équipement et remis l’épaule à la roue.

Mais on ne se le cache pas, on n’est pas encore sortis du bois. Malgré tout, voir un peu de soleil à l’horizon, ça fait du bien!