Profession: promeneuse de chiens

CHIENS. Arrivés à l’orée de la forêt, la valise arrière de la minifourgonnette à peine ouverte, les chiens se précipitent au sol dans un concert d’aboiement. Zappa, Merguez, Gaston, Albert et leurs amis en ont pour au moins une heure à jouer, courir, renifler le sol. Le bonheur à la puissance dix…

Dans le sentier, Isabelle Beucler en interpelle un qui va trop vite à l’avant, réprimande gentiment l’autre trop insistant avec ses compagnons, distribue une caresse au teckel qui vient de se faire bousculer par un labrador trop pressé.

Depuis quinze ans, la Shawiniganaise gagne sa vie en promenant des chiens.

«J’avais huit ans quand j’habitais la Suisse et je prenais déjà des marches avec les chiens du voisinage. J’ai toujours fait ça», sourit-elle. Sept fois par semaine, lors de balades qui durent d’une à trois heures, elle emmène une meute d’une dizaine de chiens dans la nature. En toute liberté, sans laisse.

«Leur raison de vivre, c’est de courir, fouiner par terre, trouver des pistes» – Isabelle Beucler

Son groupe de marche est composé de 44 vigoureux compagnons au total. Le fidèle ami d’une enseignante, d’une coiffeuse, d’une psychiatre, etc. «Je vais les chercher et je les ramène. Quand leur maître rentre de travailler en d’après-midi, il dort. L’exercice physique pour un chien, c’est sa raison de vivre. Quand il réussit à décharger son énergie, il est beaucoup plus facile à gérer à la maison ensuite», soutient Isabelle Beucler qui ne prend plus de nouveaux clients tellement son horaire est bien rempli. «J’ai même une liste d’attente », glisse-t-elle dans la conversation.

Au fil des ans, avec la permission de leur propriétaire, elle a découvert une dizaine de sites dans la région où elle peut laisser les chiens se dépenser sans compter. Pour arriver à gérer ces boules d’énergie qui court dans toutes les directions, le groupe doit partager les mêmes intérêts, les mêmes envies. «Je me suis spécialisé dans les retrievers comme les labradors, les goldens et les chiens de chasse comme les épagneuls et les setters.»

Technicienne en santé animale, Isabelle Beucler a eu l’idée de ce gagne-pain qui lui permet de veiller à l’éducation de ses deux enfants tout en comblant sa passion pour les chiens. À 17$ la balade par tête, elle arrive à se donner un salaire équivalent à celui qu’elle obtiendrait en travaillant dans une clinique vétérinaire, en moins d’heures et tout en profitant de la nature.

La tâche n’est cependant pas toujours facile, car être promeneuse de chiens, c’est aussi le faire les jours de pluie ou en hiver lorsque le froid s’installe. «Les sorties sont alors moins longues, mais il faut les habiller et les déshabiller ensuite», note la Shawiniganaise.  Dans ses excursions, même si elle évite d’aller dans des endroits très fréquentés, Isabelle Beucler croise parfois des marcheurs mécontents de voir des chiens en liberté. «Ce sont tous de bons chiens, sans méchanceté», prend-elle le soin de mentionner.

Recueilli chez elle en attendant de trouver une famille d’adoption, Isabelle Beucler a eu littéralement le coup de foudre pour Zappa qu’elle a finalement adopté.

Le dernier refuge de Zappa…

La passion des chiens d’Isabelle Beucler ne se limite pas à les promener, mais aussi à les recueillir lorsqu’ils n’ont plus de foyer.

Avec une dizaine d’amis à Shawinigan qui partage son amour pour la gent canine, elle a formé un groupe de bénévoles qui héberge des chiens en attendant de leur trouver une nouvelle famille d’adoption. «Ils nous sont confiés par des gens qui doivent s’en départir. Le MAPAQ fait aussi appel à nous lorsqu’il y a des saisies. La SPA Mauricie nous amène les chiens de chasse qui ont besoin de se dépenser et qui deviennent stresser en chenil», explique la Suisse d’origine.

Durant un mois, ils prennent le temps d’évaluer le comportement du chien, lui prodiguer des soins au besoin, avant de publier une annonce visant à trouver une famille d’accueil sur la page Facebook Promeneuse de chiens Isabelle Beucler. «Ça peut prendre une semaine, un mois, six mois, mais on finit toujours par en trouver une. Nous sommes le refuge officiel en Mauricie de New Beginnings Pet Rescue à Ottawa qui nous supporte financièrement quand nous en avons besoin. Nous avons aussi une belle collaboration de la Clinique vétérinaire de Grand-Mère qui nous accorde de bons prix pour les soins.»

Le refuge d’Isabelle Beucler et ses amis accueille ainsi généralement une cinquantaine de chiens par année. Les familles doivent débourser environ 425$ pour en adopter un. «On ne fait pas d’argent avec ça. C’est un montant que nous avons établi et qui permet d’autofinancer les opérations du refuge, car nous avons évidemment des frais pour les soins et la nourriture», termine-t-elle.