Reynald Roberge: le poète oublié

Diminué physiquement depuis près de quatre ans par la légionellose, Reynald Roberge consacre la fine pellicule d’énergie qui lui reste à la seule passion qui l’a animée toute sa vie: la poésie.

À la Résidence Le Saint-Laurent, à Sainte-Marthe-du-Cap, où il demeure depuis que la maladie l’a terrassée, l’homme de 67 ans se déplace péniblement en chaise roulante. Le virus du légionnaire qu’il a incubé alors qu’il opérait son gîte du passant Le Temps des Villages à Shawinigan-Sud le laisse maintenant presque sans mobilité et dextérité.

Reynald Roberge conserve aujourd’hui peu de liens avec le monde extérieur, un contraste avec le dynamique animateur qu’il fut à la belle époque de L’Échanson, ce mythique lieu culturel, à Almaville-en-Bas, qui a accueilli durant une dizaine d’années les chansonniers québécois de l’heure et les bardes locaux.

De ces années fleuries où rien ne semblait impossible, quarante ans et quelques poussières plus tard, l’ancien enseignant du Séminaire Sainte-Marie a préservé son amour des mots, sans doute le seul héritage qu’il aura réussi à mettre à l’abri du malin germe.

Seul dans une chambre qu’il quitte rarement, il distille encore à l’occasion sa prose à l’aide d’un clavier adapté à sa situation. «Une centaine de poèmes attendent dans mon ordinateur. Et ça continue… grâce à ma maladie qui me tient assis», ironisait-il récemment à l’occasion d’une fête organisée à son intention. Pour ses compagnons qui lui rendent visite, c’est véritablement dans ces moments que l’auteur de plusieurs textes de théâtre et de chansons revit.

Car aujourd’hui plus que jamais, les souvenirs sont inestimables pour le fondateur de la boîte à chansons qui a accueilli entre 1966 et 1975 les Jean-Guy Moreau, Renée Claude, Claude Gauthier, Georges Dor, Pierre Létourneau. Des réminiscences qui font apparaître tantôt les sourires pour les anecdotes joyeuses et les larmes, parce qu’elles évoquent un passé de plus en plus lointain et inaccessible.

L’été dernier, il était une vingtaine d’amis à venir rendre hommage à un poète qui a été maudit par le destin. Les Jean Paquin, Raymond Longpré et Jean-Marc Perron, des compagnons de la première heure à L’Échanson, étaient sur place pour interpréter quelques pièces de cette époque. Une rencontre chaleureuse et émouvante qui a été aussi l’occasion pour la Société Saint-Jean Baptiste de la Mauricie et la Société d’histoire et de généalogie de Shawinigan de venir saluer un ami qui aura toujours demeuré, malgré les intempéries, fidèle aux mots.