S’il te plait, apprivoise-moi. La solitude.

PAR AMÉLIE VALLÉE | CHRONIQUE. La simple évocation de ce mot peut créer en nous un univers de conceptions. De façon surprenante, celles-ci induisent plus souvent qu’autrement un sens péjoratif.

Admettons-le. Lorsque nous demandons à notre cerveau de créer une image qui décrit la solitude, celui-ci nous suggère différentes associations toutes aussi déprimantes les unes que les autres. Tantôt un naufragé désemparé sur une île déserte qui baptise son ballon «Wilson» afin de pouvoir engager une conversation philosophique avec lui. Sinon, quelqu’un en peine d’amour, effondré parmi les mouchoirs usagés, qui plonge une cuillère directement dans son contenant de crème glacée napolitaine.

Je suis bien consciente qu’il n’est pas naturel de faire une association entre le mot solitude et une image qui laisserait voir des confettis, des cupcakes et une pinata. Cependant, je ne comprends pas pourquoi de nos jours, la solitude doit nécessairement goûter mauvais? Pourquoi personne n’en veut dans sa cour?

Pourtant, la solitude peut être très appréciable lorsqu’elle est souhaitée. En fait, on devrait la privilégier, la rendre indispensable à notre équilibre. Le monde dans lequel on évolue semble sous l’emprise d’un téléspectateur machiavélique qui tient enfoncé le bouton «fast forward» de façon permanente. Afin de ralentir cette cadence, la solitude aurait grand avantage à être plus fréquemment revendiquée.

Ainsi, elle retrouverait ses lettres de noblesse. À la manière d’un Mini-Wheat, la solitude arbore, elle aussi, un côté givré. Bon, je conçois qu’il ne s’agit pas du même givrage que lorsque nous célébrons le Nouvel An avec une flûte de Veuve Clicquot et un chapeau pointu entouré par 35 de nos amis… mais, il est tout aussi délicieux.

Les perceptions tristes de la solitude que l’on se dessine proviennent plus souvent qu’autrement des cas où cet isolement est involontaire et imposé. Effectivement, ces situations n’amènent avec elles rien qui puisse nous permettre de se réjouir. Cependant, lorsqu’il s’agit de la solitude que l’on a choisie, celle que l’on a appris à désirer, il en est tout autrement.

Cette balade en forêt qui n’incite à aucune conversation.

Ce moment où notre tête disparaît sous la mousse opaque d’un bain.

Ces fois où l’on s’est enfui avec bonheur dans un roman.

Le plus grand paradoxe de la solitude réside dans son inexistence.

Chaque fois que nous croyons être seuls, nous ne le sommes pas véritablement.

Parce qu’à cet instant précis, nous sommes face à nous-même.

Notre plus grande peur réside finalement à se retrouver seul avec soi.

Pourtant, nous devrions tous être fiers de passer sa solitude en aussi agréable compagnie.

Au bout du compte, on devrait tous s’acheter un ballon et le baptiser de notre prénom.