Un cordonnier bien chaussé depuis 90 ans

L’expression veut que les cordonniers soient mal chaussés mais il en est un à Shawinigan qui n’a jamais lésé sa clientèle puisque son commerce fête en 2009 son 90e anniversaire.

Nonagénaire, Cordonnerie Lemay est sans doute le plus ancien commerce de Shawinigan toujours en opération. Un exploit en ces temps de magasins à grande surface et de fuites commerciales qui ont eu la peau de la Librairie Sauvageau (1926) et de la Bijouterie Lafrenière (1900) pour ne nommer que ceux-là.

Fondée en 1919, la cordonnerie a été opérée par deux familles. D’abord par son fondateur Cléophas Lemay qui l’a ensuite cédé à ses deux fils: Médard et Germain. Au décès de Médard en 1967, Yvon Lecours acquiert la cordonnerie qui sera transmise à son fils René en 1982, l’actuel propriétaire. «Les gens qui ne me connaissent pas demandent encore à parler à M. Lemay, raconte René Lecours en riant. Je leur dis alors que c’est moi sans faire rien paraître.» En fait, autant pour son père que pour lui, il n’a jamais été question de modifier la raison sociale du commerce. «C’est une question de respect pour une cordonnerie qui avait déjà près de 50 ans lorsqu’on l’a achetée. Et puis, dans l’esprit des gens, changer le nom, ça aurait été comme fermer une boutique et en repartir une neuve.»

Au fil de ses neuf décennies d’existence, Cordonnerie Lemay a toujours eu pignon sur rue sur la 5e rue, au centre-ville de Shawinigan. Le commerce est tout d’abord localisé au 432 jusqu’en 1980, année où il déménage à quelques pas de là, au 393, parce que l’édifice dans lequel il loge est détruit pour faire place au centre commercial La Promenade.

Pour René Lecours, la longévité de la Cordonnerie Lemay s’explique par la capacité que lui et ses prédécesseurs ont eu à s’adapter à un marché en perpétuel changement. «Quand mon père a pris le commerce, il y avait du travail pour cinq cordonniers. Ils ressemelaient les chaussures, faisaient de la teinture, réparaient les sacs d’école; toutes des opérations qu’on ne fait plus aujourd’hui.»

René Lecours a lui-même négocié d’importants virages en agrandissant ses locaux pour y introduire les équipements de hockey et la sérigraphie. Le métier de cordonnier ne représente plus qu’une facette de son commerce mais pour rien au monde il ne l’abandonnerait. «Il y a des professions comme ça qui ne disparaîtront jamais, soutient celui qui travaille avec son fils Philippe depuis quelques années.

La présence de ce représentant de la 3e génération augure bien pour que le commerce franchisse le cap des 100 ans en 2019. «Tant qu’on va garder la proximité avec notre clientèle, je ne vois pas pourquoi on ne se rendrait pas jusque-là», termine-t-il.