Un projet de clinique médicale au centre-ville sur la glace

JUSTICE. Un litige entre Santé Taouk et le propriétaire d’une section du centre commercial La Promenade compromet l’arrivée d’une clinique médicale au centre-ville de Shawinigan.    

Dans une injonction interlocutoire rendue le 20 octobre en Cour supérieure, le juge Alain Bolduc ordonne à Gesco, l’entreprise propriétaire de l’immeuble (522 à 550, 5e rue de la Pointe et 580, Avenue du Marché), de cesser les travaux de réaménagement qui étaient réalisés depuis cet été en vue d’accueillir une quinzaine de médecins du GMF (groupe de médecine familiale) de l’Énergie.

L’affaire débute en septembre 2019 alors que Jacques Lapointe, propriétaire de Gesco et homme d’affaires de la région du Lac Saint-Jean, entreprend des négociations avec Claudia Sleiman et Ramez Chaachouh, propriétaires de Santé Taouk, afin de les déménager ailleurs dans son immeuble.

Avec Mezcal, Aki Sushi et Aki Thaï, le restaurant libanais loge alors dans l’aire de restauration aménagée du côté de la Place du Marché. Au moment de cette approche, le couple Sleiman-Chaachouh a déjà signé un bail de 10 ans,  valide du 1er octobre 2017 au 30 septembre 2027. Le contrat prévoyait un espace de 700 pieds carrés pour la cuisine et le comptoir ainsi que l’utilisation des 4031 pieds carrés servant d’aire de restauration commune aux quatre commerces.

Depuis près de deux ans, Santé Taouk était le seul restaurant toujours en place et Gesco entendait se réapproprier toute la surface afin d’accueillir une nouvelle clinique médicale.

Un bail de 15 ans

Le GMF de l’Énergie est né du regroupement des médecins de la Clinique médicale Saint-Marc (boulevard Saint-Sacrement) et de la Clinique médicale de Shawinigan-Sud (105e avenue / 2e étage de la Pharmacie Jean Coutu). Ces professionnels de la santé prévoyaient quitter leurs locaux respectifs pour s’installer au centre-ville de Shawinigan. Les discussions impliquaient aussi le Groupe Jean Coutu qui allait être le signataire du bail et qui le sous-louerait par la suite au GMF de l’Énergie. Une entente de 15 ans a d’ailleurs été conclue en juillet 2020 entre Gesco et la célèbre chaîne de pharmacies.

L’affaire se complique à l’automne 2019 lorsque Santé Taouk, après avoir démontré de l’ouverture selon Jacques Lapointe, renonce à déménager et décide de faire valoir ses droits en vertu des clauses de son bail. Entre des lettres d’avocat demandant à son locataire de quitter les lieux pour ne pas avoir rempli certaines conditions, Jacques Lapointe tente certaines négociations avec le couple Sleiman-Chaachouh. Il offre notamment aux propriétaires du restaurant libanais de conserver leur comptoir et de disposer d’une aire de restauration réduite à 1300 pieds carrés. Une proposition encore là rejetée.

La demande d’injonction interlocutoire est déposée en août dernier lorsque Santé Taouk prend connaissance des plans de construction en cours qui prévoient de «supprimer ou réduire l’aire de restauration», avec notamment aucun accès à des installations sanitaires.

Attitude ignoble de Gesco

Après avoir entendu les arguments des deux parties, le juge Alain Bolduc rend raison à Santé Taouk avec des mots sévères à l’endroit de Gesco et son dirigeant. Ordonnant l’arrêt des travaux en attendant qu’une décision soit rendue sur le fond de l’affaire, le magistrat estime que Santé Taouk est dans son droit et que la poursuite des travaux lui causerait «un préjudice sérieux et irréparable.» Reconnaissant que Gesco pourrait elle aussi subir des préjudices compte tenu du bail de 15 ans déjà signé pour accueillir la clinique médicale, le juge souligne que l’entreprise n’a qu’elle à blâmer, soulignant qu’elle a agi avec «turpitude» (N.D.L.R.: caractère de ce qui ignoble) dans ce dossier.

«Elle ne s’est pas assurée, au préalable, que Santé Taouk accepterait de quitter les lieux loués. Pourtant, dans la lettre que ses avocats lui ont transmise le 20 décembre 2019, Santé Taouk a clairement manifesté qu’elle n’avait pas l’intention de partir.», tranche le juge Alain Bolduc qui convoquera de nouveau les parties devant la cour pour juger le fond de l’affaire. Selon les informations obtenues par L’Hebdo, à la lumière de cette injonction interlocutoire donnant raison à Santé Taouk, Gesco aurait initié des pourparlers afin d’en arriver à une entente hors-cour.