Un retour du balancier pour Veolia Water
EAU. Le contrat de 1,4 million$ accordé par la Ville de Shawinigan a Veolia Water Technologies (Veolia) pour régler le problème des boues toxiques à la Station de traitement de l’eau du Lac-à-la-Pêche (STELAP) s’avère une douce compensation pour la multinationale française.
C’est qu’en septembre 2016, Veolia avait déposé une injonction interlocutoire en Cour supérieure pour faire annuler le contrat accordé par la Ville de Shawinigan à GE Water and Process Technologies Canada (GE Water), le gagnant de l »appel d’offres pour fournir les équipements et la technologie de la future STELAP.
GE Water avait été acquise à la même époque par Suez, celle-là même que la Ville de Shawinigan se réserve aujourd’hui le droit de poursuivre en justice en raison du dysfonctionnement de son usine du secteur Saint-Gérard-des-Laurentides.
Dans les documents juridiques consultés par L’Hebdo, Veolia soutenait que la « soumission de GE Water aurait dû être écartée au motif qu’elle contenait de nombreuses irrégularités majeures que l’on a corrigées, enfreignant ainsi le principe sacré de l’égalité des soumissionnaires. »
Plaidant au nom de la Ville de Shawinigan, Me Annie Pagé avait souligné que l’injonction de Véolia était irrecevable du fait que le contrat avait déjà été accordé et que la seule façon de faire valoir ses droits aurait été « de procéder par recours en dommages-intérêts si elle se plaint de ce qui s’est passé dans le cadre de l’appel d’offres. »
Le rôle de WSP, la firme de génie-conseil chargée d’évaluer les appels d’offres et d’émettre une recommandation, avait aussi été remis en question par Véolia. Dans son argumentaire au juge Marc St-Pierre, la multinationale soutenait que « des communications que l’on pourrait qualifier de tractations entre WSP et GE ont été établies et maintenues en cours d’analyse pour en arriver à la transmission (…) d’une recommandation de WSP au ministère provincial subventionnaire habileté à approuver l’octroi à l’adjudicataire (MAMROT). »
La différence entre les deux soumissions des multinationales avait été infime peut-on lire dans les documents. « L’écart entre les soumissions s’avère minime soit 17 707,60$ sur des soumissions totales, incluant les coûts d’opération, excédant 11 500 000$. Cela représente un écart de moins de 0.2% entre les deux soumissions », peut-on lire lors d’une première décision ouvrant la voie à un autre procès visant cette fois-ci à débattre sur le fond de la demande de Veolia.
Autre élément intéressant à la lecture des documents, la soumission de GE Water ne mentionnait pas « la fréquence du lavage des modules membranaires. » Cinq ans plus tard, ce point est au centre de la saga de la STELAP. D’ailleurs, en août 2021 lorsque le dysfonctionnement de la station était rendu de notoriété publique, le maire Michel Angers avait déclaré à L’Hebdo qu’ « on discute avec Suez qui est le fabricant des membranes. On nous avait dit qu’on allait devoir les nettoyer une fois par mois, mais on doit le faire toutes les semaines. »
Au final, le juge St-Pierre n’avait pas accordé l’injonction, faisant valoir notamment que la soumission de Veolia comportait elle aussi plusieurs non-conformités. La multinationale avait porté cette décision devant la Cour d’appel en janvier 2017, mais les trois juges en fonction l’avaient rejeté immédiatement parce que la requête avait été déposée hors délai.
Quelque cinq ans plus tard, voilà que la technologie de Veolia est requise pour corriger ce qui semble être les défaillances de son compétiteur Suez…