Une chance qu’on s’a

CHRONIQUE. L’altruisme est un trait évolutif développé par nos ancêtres pour assurer la survie de notre espèce en société.

En effet, «rendre-service» entraîne une décharge de dopamine qui procure du plaisir et renforce ce comportement. Ceci permettait de maintenir les tribus unies et solidaires face aux défis qu’elles devaient relever. Pas étonnant qu’autant de métiers à ce jour sont liés à la relation d’aide. C’est d’ailleurs cette recherche de plaisir qui m’a fait choisir le mien. Rien ne me donne de plus grand «buzz» que l’impression d’avoir fait une différence dans la vie de quelqu’un.

On louange souvent les aidants naturels… et avec raison.  Ces gens qui décident, par bonté ou par conviction de porter assistance à un autre qui se trouve limité par une condition médicale ou socio-économique sans rien demander en retour.

Un rôle un peu moins encensé est celui «d’aidé». On parle moins de ceux qui n’ont, en général, pas choisi d’être dans cette situation. Orgueils mal placés? L’être humain a beaucoup plus de difficulté à se faire aider qu’à aider. Demander assistance à autrui peut effectivement donner l’impression de ne pas être à la hauteur de la tâche à accomplir et un certain sentiment d’infériorité par rapport à l’aidant. On le fait par dépit ou par obligation, le plus souvent devant un échec de nos propres capacités.

Perdre de l’autonomie et devenir dépendant des autres est un des deuils les plus ardus que j’ai constaté dans ma pratique. Pour certains, l’adaptation est plus facile, pour d’autres, elle est impossible. La sensation d’être un poids, un fardeau est souvent rapportée par mes patients comme raison de leur insatisfaction d’aidé. De même que l’impression de ne plus servir à rien. Ma réponse est toujours la même: il y a une chose que vous pourrez continuer de faire jusqu’à la fin, aimer et être aimé. Et il n’y a pas meilleure rétribution qu’être aimé et chéri par un proche. Détrompez-vous donc chers aidés, vous êtes beaucoup plus utiles que vous ne le croyez! Et la complicité que vous pourrez développer sera telle qu’on ne saura peut-être même plus distinguer qui est l’aidant et qui est l’aidé. Donner et recevoir est bon pour la santé.

Qu’on le veuille ou non, traverser la vie seul et sans aide est impossible. Nous avons tous besoin des autres pour réussir à tirer notre épingle du jeu. Offrir notre aide est naturel, en demander l’est un peu moins, mais autant enrichissant si on a l’humilité de se laisser gâter un peu. Comme le dit si bien cette belle chanson de Jean-Pierre Ferland…

Une chance que j’t’ai

Je t’ai, tu m’as

Une chance qu’on s’a