Yves Guillemette: 89 lancers et pis après?

RECORD. «Si je voulais être retiré du match? Jamais de la vie! J’aurais aimé me rendre à 100!», lance Yves Guillemette en riant.   

Il y aura 45 ans jour pour jour ce 19 février que le Shawiniganais devenait le détenteur du record pour un gardien de but ayant reçu le plus grand nombre de lancers dans un match de hockey: 89.

Une marque qui tient toujours aujourd’hui.

Les Dynamos de Shawinigan sont à Cornwall en ce soir d’hiver 1976 pour y affronter les puissants Royals menés par Danny Geoffrion, le fils de Boum Boum. Dans un match à sens unique au score de de 12 à 1 en faveur des hôtes, Yves Guillemette reçoit 30 tirs en 1e période, 33 en 2e et  »seulement » 26 en 3e.

Après le premier vingt, tout était encore possible, car le compte était égal 1 à 1. «On se disait dans la chambre, si ça continue comme ça, on a peut-être des chances», raconte Yves Guillemette rencontré sur une patinoire extérieure à Sainte-Flore.

Cette marque de 89 lancers était mémorable, mais il faut dire que le gardien shawiniganais en mangeait du caoutchouc en ce mois de février de l’année olympique. Au cœur d’une séquence de cinq matchs consécutifs, le no 1 des Dynamos avait reçu 54, 73, 89, 43 et 70 lancers en 300 minutes de jeu. «Ça faisait 329 tirs, soit une moyenne de 66 par parties», se rappelle l’homme de 63 ans qui garde encore aujourd’hui les buts dans les ligues de garage.

«Je suis habitué et j’aime recevoir des rondelles. Ça me garde dans la partie. J’admets que c’est dur et fatigant, mais mon moral est bon.»    – Yves Guillemette le 19 février 1976 en entrevue après la partie

Cette édition des Dynamos n’est pas celle qui a enregistré le triste record de 3 victoires en une saison. «Nous avions un bon club, mais la blessure de Benoît Plouffe*, qui était le meilleur compteur (7 buts et 14 passes en neuf matchs) de la ligue en début de saison, a donné un choc à plusieurs joueurs. On ne s’en est jamais remis.»

Preuve que douze filets en un match ne ruinent pas une carrière, le gardien de but fut repêché en 1977 par les Flyers de Philadelphie (77e au total) et par les Nordiques de Québec (56e au total), alors dans l’AMH.

Yves Guillemette a pris part à trois camps d’entraînement avec les puissants Broad Street Bullies des années 1970 dont les buts étaient défendus par l’excellent Bernard Parent. «J’ai été le dernier gardien retranché lors de mon 1er camp. L’entraîneur des gardiens était Jacques Plante. Il m’encourageait beaucoup en me donnant de bons conseils. J’avais une belle relation avec lui et il voulait me garder, mais les Flyers n’ont pu arriver à une entente avec un club-école qui ne leur appartenait pas.»

Dans un article publié le lendemain de son record, le Journal de Montréal écrivait Les Dynamos ont perdu 12 à 1 hier à Cornwall et devinez qui fut la grande vedette du match : Yves Guillemette, cerbère des Dynamos, qui a été bombardé de 89 lancers au cours de la rencontre.…

Guillemette et les autres…

Dans les circuits officiels nord-américains, les 89 tirs contre Yves Guillemette demeurent un record absolu. Dans un match régulier de 60 minutes, la performance qui s’en approche le plus est celle de Sam LoPresti, des Blacks Hawks de Chicago, qui avait été bombardé de 86 lancers en mars 1940 par les Bruins de Boston, n’en laissant passer que trois. Plusieurs amateurs du Québec se rappelleront de la performance de Ron Tugnutt. Le gardien de but des Nordiques avait été mitraillé par 73 rondelles en 1991, encore contre Boston. Le match nul de 3 à 3 avait requis une prolongation de 5 minutes.

Enfin, en séries éliminatoires où la prolongation est parfois nécessaire, quelques performances notables sont à signaler. La plus récente est survenue en août 2020 quand Joonas Korpisalo (Blue Jackets de Columbus) n’avait cédé que trois fois sur 88 tirs dans un match de plus de 150 minutes. Roberto Luongo (76 lancers – Canucks de Vancouver en 2007), Ed Belfour (75 lancers – Maple Leafs de Toronto en 2003) et Kelly Hrudey (73 lancers – Islanders de New York en 1987) ont aussi vu du caoutchouc au cours d’un match…

 *Le chandail de Benoît Plouffe (#14) fait partie de numéros retirés par l’organisation des Cataractes en hommage à l’attaquant dont la carrière a pris fin lors d’une sérieuse blessure subie lors d’un match à Sherbrooke en octobre 1975.