Abbé Yves Marcil: 50 ans de combats

COMMUNAUTÉ. Difficile d’imaginer aujourd’hui le quartier Saint-Marc/Christ-Roi sans parler de l’empreinte laissée par les abbés Martel et Marcil depuis bientôt un demi-siècle.

Le 1er juin dernier, le plus jeune des deux célébrait son 50e anniversaire d’ordination. Tout destinait Yves Marcil, un Trifluvien natif du quartier ouvrier Sainte-Cécile, à venir en aide un jour aux démunis des quartiers populaires de Shawinigan.

«J’ai grandi dans les années 1950 sur la rue Hertel parmi les policiers et les bums. Les pauvres venaient chez nous chercher des bons de nourriture que mon père leur donnait. Il travaillait à la CIP et je le suivais parfois chez des familles qui vivaient dans des maisons en carton. Ça m’a marqué et j’ai toujours gardé un côté réfractaire à cause de cela», se rappelle l’abbé Marcil.

Encore séminariste, il était déjà clair pour lui que son destin l’enverrait auprès des démunis plutôt que des paroissiens. «L’évêque voulait m’envoyer comme aumônier à l’Hôpital Cooke. J’ai refusé.» Ordonné prêtre en 1969, il passera trois ans comme vicaire à la paroisse de Saint-Tite avant d’être transféré à celle de Saint-Bernard à Shawinigan. Il n’y restera que quelques mois avant de rejoindre l’abbé André Martel à l’été 1973 à la paroisse Saint-Marc.

Grand fan de hockey, l’abbé Yves Marcil a gardé les buts dans les ligues de garage jusqu’à l’âge de 69 ans.

Chez les deux jeunes prêtres, il y a une convergence de vues immédiate. «Nous n’avions pas un discours traditionnel, nous étions des marginaux même parmi nos confrères», souligne l’abbé Marcil. Même l’évêque du diocèse, Mgr Laurent Noël, n’est pas convaincu de l’approche préconisée par ses deux protégés: la pastorale sociale. «Il était d’accord avec ce que nous faisions, mais disait ne pas comprendre. Pour lui, l’Évangile, c’était la liturgie de la Parole alors que pour nous, c’était social et même politique parfois. Il ne comprenait pas, mais il nous a toujours fait confiance.»

L’histoire était en marche.

Prêcher sur le terrain

En janvier 1974, les deux hommes obtiennent la rare permission de l’évêché de sortir du presbytère pour aller vivre directement dans le quartier. «On a demandé aux policiers de nous dire où était le pire secteur. Ils ont répondu: la rue Laval. On est parti se louer un logement là-bas.»

Dans les années qui suivirent, les abbés Martel et Marcil sont de tous les combats: création du premier comité de citoyens à Shawinigan; nettoyage d’un dépotoir dans le quartier 3L (Laval, Laurier et Lambert) – qui est devenu aujourd’hui un espace vert  -; pression sur la Ville pour créer un réseau de transport en commun suite à la vente des autobus Carrier; création d’une coopérative alimentaire; maintien de la gratuité du stationnement à l’hôpital régional. «Tous les problèmes sociaux qu’on rencontrait, on  investissait dessus pour les régler.»

Les deux MM ne se font pas d’amis à l’Hôtel de Ville lorsqu’ils militent pour la construction de deux HLM face à l’église Saint-Marc alors que les élus travaillaient pour y faire venir une station-service. «Durant deux dimanches, au lieu de faire l’homélie, on demandait aux paroissiens de venir signer une pétition», sourit l’abbé Marcil.

L’abbé Marcil dérange encore une fois lorsqu’il veut venir en aide aux prostituées dans le quartier. «Si je veux prêcher là-dessus, il faut bien que j’aille les voir, leur parler. Quand on avait des réunions de prêtres, je me faisais rentrer dedans, mais j’aimais ça», admet celui qui dit n’avoir jamais eu peur de la confrontation.

Parallèlement, les deux ecclésiastiques créeront le Centre Roland-Bertrand en 1983 qui lui-même engendrera la Tablée populaire, Partage Centre-Mauricie, le RDDS, Auto-Psy, etc. Pour financer tous ces organismes, ils créeront une fondation: Les Œuvres des abbés Marcil et Martel qui a remis à ce jour plus de 1,5 million$ dans des dizaines de services et de causes.

Aujourd’hui, l’homme de 77 ans jette un regard satisfait, mais teinté d’inquiétude sur ce qu’il voit. «Le quartier Saint-Marc/Christ-Roi a toujours fait l’objet de stéréotypes dans les médias, mais le secteur a connu une prospérité extraordinaire par rapport à celui qu’on a trouvé dans les années 1970. Il y a eu des subventions pour rénover les logements, mais les gens qui y habitaient sont partis maintenant. Aujourd’hui, on est en train de perdre nos acquis avec le retour de la violence, de la pauvreté plus extrême et de la drogue. C’est triste, mais on n’a pas de contrôle là-dessus», termine-t-il.