Bipolaire à cœur ouvert
Qu’il est beau et tonifiant, à la fois difficile et embarrassant, de dire ouvertement toute l’affection et l’admiration que l’on porte à une personne appréciée pour son courage, son audace, sa détermination, sa capacité de souffrir en silence, son habilité à bâtir dans l’effacement un monde meilleur pour autrui.
En 2009, quelle joie profonde de croiser sur son chemin des êtres qui savent encore vibrer aux succès retentissants comme aux épreuves triturantes de leurs semblables. C’est le cas de mon invité hebdomadaire Pascal Vilair, franco-québécois de 47 dynamiques étés de vie, père de deux enfants Frédéric (10 ans) et Rafael (6 ans), thérapeute en réadaptation physique à la Clinique de Physiothérapie de la Mauricie sise au 1501 de la 6e Avenue à Grand-Mère.
Sa charmante conjointe Sylvie Allard le définit comme un homme pourvu d’une grande sensibilité, un cœur d’or en légitime défense. «Mon compagnon de vie, dira-t-elle, voue un attachement tout à fait singulier à l’endroit d’une ancienne collègue de la profession Valérie Charland, une âme de droiture, de sincérité et de générosité qui a tragiquement mis fin à son calvaire d’existence ce triste et pénible matin du 5 juin 2009. Feue Valérie allait avoir 31 ans.»
L’effroyable secret de Valérie
Valérie Charland était une femme «charmeuse» et «charmante»: charmeuse; parce qu’on la remarquait pour sa beauté exceptionnelle; charmante, parce qu’elle nous remarquait pour nos attraits personnels. Cette femme de séduction et de courtoisie, de passion et de défi, ostéopathe de profession, cachait néanmoins le secret de sa terrible maladie. Elle était maniaco-dépressive, ces êtres surnommés par euphémisme bipolaires. Tel un cordonnier mal chauffé, elle souhaitait libérer avec chaleur et humanisme les gens malades qui faisaient appel à ses compétences bien qu’elle-même souffrait en silence du pernicieux cancer de l’âme de l’humeur. Ce mal aigu de «ses humeurs en montagnes russes» provoqué par un déséquilibre neurochimique la torturait, ne lui laissant aucun répit malgré ses efforts inouïs pour le combattre à grands coups de consultations psychiatriques, de médication, d’assistance parentale, fraternelle et amicale. Les préjugés, les tabous et l’ignorance populaire au sujet de cette maladie la terrorisaient, la démoralisaient jour après jour la privant des rations d’amour et de compassion dont elle avait tant besoin. Se sentant incomprise et épuisée, le 5 juin 2009, c’en fut trop, elle céda sous le fardeau de cette existence rongée par l’angoisse et la détresse intérieure imperceptibles aux yeux d’autrui mais bien réelles et omniprésentes dans son cœur tiraillé. Aujourd’hui, Valérie Charland figure au registre des statistiques des suicidés et non des décédés suite à une maladie aussi pernicieuse, qu’imprévisible et implacable. Pour ses parents, leur fille ne s’est pas enlevée la vie, elle n’a rien décidé et en phase terminale de ce cancer de l’âme, la maladie l’a emportée.
Hommage posthume et fondation
Pour Pascal Vilair, la maladie de la bipolarité qui a détruit à petit feu sa collègue Valérie Charland n’est pas plus gênante que celle d’un diabétique qui exige de l’insuline pour fonctionner. «Il faut dédramatiser l’actuelle et très malsaine approche populaire qui blesse et détruit la personne souffrante en la forçant à l’isolement et au repli sur soi-même», dira Pascal. C’est pourquoi, il souhaite qu’une salle de traitement de la Clinique qui l’embauche porte à titre posthume le nom de son amie Valérie Charland. C’est un vœu qu’il caresse afin de mettre en évidence son courage et sa force d’aider ses patients dans l’excellence de ses traitements malgré son état. Mieux encore, pour aider à guérir la bipolarité par l’ostéopathie, ce qui constituait le rêve de la défunte, Pascal souhaiterait mettre sur pied la Fondation Valérie Charland.