Changer sa vie, de A à Z

ÉDUCATION. «Si on me payait, je pourrais rester à l’école toute ma vie.» Le Shawiniganais Martin Lord est aujourd’hui bien loin du décrocheur anxieux qu’il était adolescent. À 39 ans, il est sur le point de compléter ses études secondaires: un chemin long et ardu qu’il a commencé en… réapprenant à écrire les lettres de l’alphabet.

Martin Lord est débarqué au Centre d’éducation des adultes du Saint-Maurice à Shawinigan en janvier 2011, alors qu’il avait 32 ans, avec un but très précis: terminer ses études secondaires.

Le 8 septembre dernier, à quelques semaines d’obtenir son diplôme, il a remporté l’une des sept bourses nationales «Je ne lâche pas je gagne» – de 1500$ – offertes par la Fondation pour l’alphabétisation. Il a été choisi pour sa motivation et les obstacles qu’il a su franchir en cours de route.

Toucher le fond

«J’ai passé à travers plusieurs expériences. J’ai vécu beaucoup d’intimidation au travail», confie celui qui affiche maintenant une assurance et un large sourire. «Au secondaire, je me faisais intimider tous les jours. Je n’étais plus capable.»

Martin Lord a abandonné l’école à l’âge de 18 ans, alors qu’il était toujours en première secondaire. «Chaque année je doublais», explique-t-il.  

Une fois sur le marché du travail il a cumulé des expériences professionnelles stressantes. «J’avais l’impression que tout le monde riait de moi. C’est gravé dans ma tête.» Dépression, drogues, crises de panique… son quotidien ne ressemblait plus à rien. «Je ne voulais plus voir le monde, je me cachais de la société», confie-t-il.

Recommencer à zéro

C’est l’espoir de décrocher un meilleur emploi qui l’a poussé à retourner sur les bancs d’école après le cap de la trentaine. «Je voulais réussir, avoir mon diplôme et montrer que j’étais capable dans la vie moi aussi», se souvient-t-il.

Avant même de poursuivre les études secondaires qu’il avait abandonnées plus tôt dans sa vie, Martin Lord a dû recommencer du tout début… en alphabétisation.

«J’apprenais à écrire les lettres: A, B, C… Comme on fait au début du primaire. Je n’écrivais qu’en lettres majuscules et j’avais de la difficulté à écrire des mots, je devais faire 90 erreurs pour 100 mots», se souvient-il.

Le retour à l’école ne se s’est pas fait sans douleur. «C’était l’enfer, j’étais stressé, je devenais trempe. Je faisais des crises de paniques, de l’agoraphobie. Ça a pris près de deux ans pour m’adapter. Les profs qui étaient là au début voient combien j’ai évolué», explique-t-il.

«Il n’est jamais trop tard»

Aujourd’hui, Martin Lord, rayonnant, en inspire plus d’un sur son passage.

«Il y en a qui ont envie d’abandonner, mais je leur dit qu’il faut commencer par une chose, sans regarder plus loin. Il y en a qui voient ça gros tout de suite et qui se découragent», explique-t-il. «Sans son diplôme d’études secondaires, on ne trouve plus des emplois comme moi j’étais jeune aujourd’hui. Je dis aux jeunes qu’ils sont mieux de persévérer maintenant parce que sinon, il y en a plusieurs qui vont devoir revenir à l’école à mon âge et ça, personne ne veut ça.»

Il croit pouvoir terminer son français de cinquième secondaire, son dernier cours, avant Noël. «Ce sera une fierté d’avoir mon diplôme dans mes mains. J’aurai accompli quelque chose que plusieurs ne me pensaient pas capable.»

Après, il compte s’inscrire à un diplôme d’études professionnelles (DEP) en machinerie.

«Je vais avoir de la peine quand je vais partir d’ici! Ça a changé ma personnalité, maintenant je suis sociable, je parle aux gens. Je me suis adapté dans la société. J’ai vaincu mes peurs et c’est ma plus belle fierté», exprime-t-il au terme d’un parcours de sept ans au Centre d’éducation des adultes du Saint-Maurice.