Deux Mauriciens dotés d’un coeur mécanique

«C’est grâce à lui si je suis en vie aujourd’hui» – Steven Desfossés

Steven Desfossés menait une vie bien normale, lui qui était très en forme pour un homme de 55 ans. À l’automne dernier, un virus – qui n’était qu’une simple toux en apparence – est venu l’incommoder jusqu’à lui dévorer le côté gauche cœur. Aujourd’hui, il est l’un des trois Trifluviens à être doté d’un cœur mécanique et il retrouve le goût à la vie, lentement mais sûrement…

Les deux autres Trifluviens à être doté du même système sont un jeune homme de 33 ans, et un certain Claude Ricard, 72 ans. Et Steven Desfossés est heureux d’avoir fait la connaissance de ce dernier. «Je ne serais pas ici aujourd’hui sans monsieur Ricard. Il m’a sauvé la vie!», lance-t-il.

La toux incontrôlable de monsieur Desfossés était provoquée par un virus qui avait pour mission de lui enlever la vie, petit à petit. Après un transfert à l’Institut universitaire de cardiologie et pneumologie de Québec (IUCPQ), qui a nécessité deux séances de défibrillateur cardiaque, ce sont plus de 15 jours plongés dans le coma qui l’attendait. À son réveil, les cardiologues étaient catégoriques: sa survie nécessitait le cœur mécanique de type HeartMate 3.

«J’étais très en forme et j’ai toujours fait beaucoup de sports. Je faisais du vélo, de l’escalade, des arts martiaux et de la boxe. L’hiver, je m’entraînais au gym. Je toussais depuis deux mois et on m’a prescrit des pompes de cortisone. La toux ne cessait pas. En février, j’étais au travail et les deux genoux m’ont flanché en transportant une boîte. Le lendemain matin, je me présentais au Centre Cloutier-du Rivage, mais j’ai perdu conscience», se souvient-il.

«Le médecin m’a envoyé à Sainte-Marie et j’ai été accueilli par le responsable du département de cardiologie, le docteur Sia (Ying Tung Sia). Mon fils ambulancier était là et ils m’ont monté à Québec. Ils se sont servis du défibrillateur à deux reprises en montant et je suis resté dans le coma plus de deux semaines. Je pesais 198 lbs et j’étais descendu à 148 lbs en me réveillant. J’ai fait le saut! J’ai eu des traitements de dialyse pendant 18 heures par jour, car mes reins et mes poumons ne fonctionnaient pas. J’étais censé mourir. Je n’étais pas supposé passer au travers!»

Comme les poumons et les reins sont d’une importance capitale et que la dialyse ne fonctionnait pas, les docteurs n’ont eu d’autres choix que d’y présenter un plan B.

«Le docteur Charles est venu me voir vers 20h et il m’a présenté le plan B, le coeur mécanique. Pour pouvoir le faire, il fallait que mes reins fonctionnent. Comme je suis un gars qui croit en la foi, j’ai prié toute la nuit avec une infirmière qui était aussi croyante que moi, et le lendemain j’urinais! C’était un miracle. Les infirmières chantaient et dansaient ce matin-là», confie-t-il.

«Il fallait me remettre en forme avant de procéder et j’ai été longtemps gavé par le nez. Ensuite, j’ai réappris à manger parce que la simple fourchette était devenue trop pesante. Lorsqu’ils m’ont parlé du cœur mécanique, je ne voulais rien savoir, surtout parce que je ne connaissais pas ça.»

Le cœur mécanique était devenu la solution pour monsieur Desfossés, car son système se serait adapté à la médication temporaire, ce qui aurait été fatal par la suite.

«Un matin, ils m’ont dit que je pouvais rencontrer quelqu’un qui avait un cœur mécanique pour m’en parler et c’est là que monsieur Ricard est venu me voir. On a parlé pendant une heure. J’ai ensuite accepté et c’est grâce à lui si je suis en vie aujourd’hui. Il a répondu à toutes mes questions et j’ai vu comment il était en forme. C’est ce qui m’a encouragé, malgré ma tête de cochon», se remémore-t-il.

«Il ne voulait pas l’avoir et c’est fort le mental humain!», lance sa sœur France Desfossés. «Imaginez-vous qu’on était là à lui dire qu’on voulait qu’il vive. On devient égoïste parce qu’on ne veut pas qu’il parte. On veut qu’il vivre alors on lui rappelait qu’il a sa femme, ses enfants, ses frères et sœurs qui tiennent à lui. Il avait une opportunité à vivre et on voulait qu’il vive. On lui rappelait, sans savoir ce qu’était un cœur mécanique, et on essayait de le convaincre. On a eu la chance qu’il rencontre monsieur Ricard.»

Le pionnier d’HeartMate 3

Claude Ricard mène une vie des plus normales depuis deux ans et il ne regrette pas choix, surtout parce qu’il peut continuer d’épauler sa tendre épouse et continuer de voir grandir ses petits-enfants. Il est le premier à avoir expérimenté le HeartMate 3 au Québec, avant même que ce dernier ait reçu l’approbation de Santé Canada. «Ils ont d’abord demandé les approbations des ministres de la Santé au provincial et au fédéral. Ils ont donné leur accord», raconte-t-il.

«Moi non plus, je ne voulais pas l’avoir, mais je n’ai aucun regret. Ils m’ont montré le premier modèle de cœur mécanique qui était très gros et je me suis dit non, je ne porterai pas ça. J’avais mené une belle vie, j’avais élevé mes enfants et j’étais prêt à partir. C’est lorsqu’ils m’ont présenté le HeartMate 3 que j’ai accepté.»

Un coeur mécanique consiste en une turbine reliée au coeur, permettant ainsi une circulation sanguine tout à fait normale. La turbine fonctionne à l’aide d’un ordinateur que l’usager doit porter en tout temps. Celle-ci est reliée à deux batteries efficaces pour une durée de 17 heures. Un dispositif est nécessaire pour relier la turbine à la machine… et il passe par le nombril! Advenant un problème de batteries, ou encore d’ordinateur, un laps de temps de 15 minutes est alloué pour remédier à la situation sans problème.

Les deux hommes se sont fait installer une prise électrique adaptée au cœur mécanique pour littéralement «se brancher» la nuit. Chez Hydro-Québec, ils sont homologués comme étant des cas prioritaires lorsque survient une panne de courant dans leur secteur respectif. Ils sont munis d’un deuxième duo de batteries et d’un deuxième ordinateur qu’ils doivent transporter en tout temps, peu importe où ils vont.

«Si mon cœur récupère, ils vont pouvoir me retirer le cœur mécanique, mais dans mon cas et à mon âge, c’est très rare. Ce serait miraculeux si ça revient comme avant. L’autre option, ce serait une greffe de cœur, mais je n’ai pas réfléchi à ça pour le moment, surtout parce que je viens de sortir de l’hôpital», explique M. Desfossés.

Toute nouvelle vision

Ce dernier admet que depuis ce jour, sa vision de la vie a changé du tout au tout. «J’ai eu une bonne famille qui m’a appuyé tout le long. Ils se sont relayés à tous les jours. Ma philosophie a changé, c’est incroyable! Autant que je ne me préoccupais pas des oiseaux et maintenant, je les aime. Je me suis fait installer des mangeoires dans la cour. Je m’arrête aux petites choses qui sont agréables. Je n’ai plus le temps de me stresser pour rien et des personnes négatives, je n’en veux plus autour de moi.»

«Et si j’ai décidé d’en parler aujourd’hui, c’est pour que les gens connaissent ce qu’est un cœur mécanique si l’option se présente à eux un jour. Faites-le! Il peut y avoir une période de doute face à l’inconnu, mais vous serez fiers de vous lorsque vous aurez compris que vous avez fait le bon choix», ajoute-t-il.

Il devra néanmoins faire une croix sur quelques petits plaisirs de la vie, dont prendre l’avion, pêcher en chaloupe, se baigner dans la piscine ou même prendre un bain. Il se verra néanmoins fourni d’un équipement adapté pour lui permettre de prendre des douches.

En terminant, les deux hommes n’avaient que d’éloges pour le personnel de l’IUCPQ et pour les services reçus, tous comme envers le CLSC de Trois-Rivières qui doit suivre le même protocole qu’à Québec. «Finalement, on est deux maris hybrides! (Rires) C’est ce que je dis souvent à mon épouse», conclut monsieur Ricard.