La «Deuxième chance» de Claude Grenier
SENSIBILISATION. Le 20 juillet 1975, le Shawiniganais Claude Grenier avait 20 ans. C’était un soir d’été festif où il a décidé de rentrer à moto avec son ami Daniel Boisvert même s’ils avaient beaucoup trop bu tous les deux. Changé par le grave accident qu’ils ont eu ce soir-là, son meilleur ami s’est suicidé une dizaine d’années plus tard.
Si Claude Grenier a choisi l’émission Deuxième chance pour boucler la boucle 42 ans plus tard, c’est pour lancer un message de sensibilisation. Il souhaitait aussi retrouver et remercier publiquement ceux qui leur ont sauvé la vie un soir brumeux de juillet.
Une erreur de jeunesse
«On n’était pas des voyous, mais on était sur le party. On s’amusait, mais trop.» Il y avait un spectacle de Nanette Workman à Shawinigan ce soir-là. Ils ont fermé le bar.
Claude Grenier n’est pas fier. Il a enfoui ces souvenirs pendant de nombreuses années si bien que même ses quatre enfants ne connaissaient pas les détails de son accident.
«Daniel voulait aller retourner dormir au camping de notre ami à Notre-Dame-du-Mont-Carmel. Ça ne me tentait pas, mais j’ai dit oui. J’aurais dû lui dire que nous étions trop chauds», se souvient-il. «Nous avons dépassé une petite moto. On faisait les cons parce que nous en avions une plus grosse.»
Quelques secondes plus tard, leur moto a touché le trottoir du pont des Chutes. «Daniel est rentré en pleine face dans la clôture», raconte-t-il. «Je l’entendais râler.» Une ou deux personnes leurs auraient porté assistance au beau milieu de la nuit ce soir-là. Possiblement une infirmière qui revenait d’une noce. «Elle lui aurait retiré les dents cassées de la bouche pour éviter qu’il s’étouffe.»
En vie grâce aux soins rapides qu’ils ont reçus, les deux amis ont passé plusieurs semaines aux soins intensifs. Ils n’ont jamais reparlé de l’accident, ni de ces bons samaritains. «C’était tabou.»
Claude Grenier sait que cet événement a changé la vie de son ami qui était un grand sportif. Ils se sont perdus de vue avec les années. «Je l’ai croisé un midi à la caisse. Il m’a dit qu’il fallait absolument qu’il me parle. Je savais qu’il avait des problèmes. Je lui ai dit que j’allais le rappeler. Je ne l’ai pas fait. En tous cas, pas aussi vite que j’aurais dû. J’ai vécu beaucoup de culpabilité par rapport à ça.»
Tourner la page
«J’écoute l’émission Deuxième chance avec ma conjointe. C’est elle qui m’a suggéré de m’inscrire. J’ai bien réfléchi parce qu’il y a des bouts dont je ne suis vraiment pas fier. On n’a pas à se vanter d’avoir été sur la brosse et d’avoir eu un accident», exprime-t-il.
Au début sa démarche a été libératrice, mais il s’est vite fait rattraper par la culpabilité. «Ça a fait remonter beaucoup de choses.»
Claude Grenier dirige une entreprise de ressources humaines depuis 30 ans. Il a enseigné au cégep pendant 25 ans et il est conseiller municipal à Shawinigan depuis les dernières élections.
«Je suis quelqu’un de public. J’ai un malaise c’est certain. Il ne faut pas que je pense au regard et au jugement des autres. Il y en a qui disent que je dévoile ça pour me faire du capital de sympathie», confie-t-il. «Là où je suis rassuré, c’est que mes amis proches me disent que le message que je veux véhiculer est bon. Je veux dire qu’une folie de jeunesse peut avoir des conséquences lourdes à porter toute une vie. Et que quand un ami te crie à l’aide, il faut prendre le temps.»
Dans cet épisode de Deuxième chance, Claude Grenier fait appel à l’animatrice Marina Orsini qui tentera de retrouver les personnes qui leur ont sauvé la vie le soir de l’accident. L’émission sera diffusée le samedi 24 mars prochain, à 20h, à Radio-Canada. Les téléspectateurs pourront d’ailleurs apercevoir le bureau de l’Hebdo du St-Maurice, qui a diffusé l’avis de recherche l’été dernier.
Marina Orsini de passage à Shawinigan
Myriam Lortie
mlortie@lhebdodustmaurice.com
TÉLÉVISION. Pour aider Claude Grenier dans ses recherches, l’animatrice Marina Orsini, avec son équipe de l’émission Deuxième chance, est venue quelques fois dans la région l’été dernier. Ces passages ont d’ailleurs rappelé de beaux souvenirs à celle qui interprétait Émilie Bordeleau…
«Dans l’émission, il y a des histoires qui se déroulent aux quatre coins de la planète et qui sont très spectaculaires. Il y en a d’autres où ce sont de simples histoires d’amitié. Nous avons été touchés par celle de Claude Grenier. Il manquait des morceaux à son casse-tête», indique Marina Orsini.
«Nous avons aimé le message qu’il voulait faire passer. Parfois, à l’adolescence, on peut faire des conneries. Il voulait dire aux jeunes de faire attention», raconte l’animatrice.
Des souvenirs impérissables de la région
Pour cet épisode, l’animatrice est venue dans la région, ce qu’elle n’a pas eu l’occasion de faire souvent depuis les tournages des Filles de Caleb.
«J’ai tellement adoré ce coin, j’y ai séjourné pendant presque deux ans», se souvient-elle. «Nous avons connu beaucoup de gens, ça a été mémorable dans ma vie», confie-t-elle. «Nous restions sur place parfois les week-ends. J’ai de très beaux souvenirs de coin de pays.»