Elle renoue avec son passé en Roumanie…
Adoptée en Roumanie à l’âge de trois ans, Simona Chouinard retrouve sa famille biologique 25 ans plus tard
TÉMOIGNAGE. Quand elle a envoyé sur cette page Facebook ces photos d’elle aux côtés d’une mère et d’un frère dont elle n’a aucun souvenir, Simona Chouinard était loin de se douter qu’elle renouerait avec son passé 25 ans plus tôt en Roumanie… en l’espace de quelques heures.
«Je suis tellement chanceuse!», lance d’entrée de jeu la jeune femme.
Simona a toujours su qu’elle avait été adoptée. Dès qu’elle a été en âge de comprendre, ses parents, Monique et Michel, lui ont expliqué. Tout ce qu’elle a conservé de cette époque, c’est son prénom et deux ou trois photos d’elle avec sa mère et son frère, en Roumanie. Aucun souvenir, mais des milliers de questionnements. «Pourquoi m’a-t-elle abandonnée?», «Est-ce qu’elle est toujours en vie?», «Est-ce qu’elle pense encore à moi?», voilà tant de questions qui sont restées sans réponse pendant 25 ans… jusqu’au 6 novembre dernier.
«Ma mère (adoptive) a fait beaucoup de recherches pour m’aider à les retrouver. Elle est tombée il y a un an environ sur une page Facebook appelée The never forgotten Romanian children», raconte-t-elle.
Au départ, Simona n’avait pas confiance. Elle craignait d’envoyer des données personnelles à cette agence roumaine, qui a pour mission d’aider les familles dispersées à se retrouver. Malgré tout, elle consultait la page tous les jours et constatait que de nombreuses familles étaient enfin réunies.
Le 6 novembre 2019, elle se décide enfin. Prenant son courage à deux mains, elle envoie ses photos d’enfance avec les informations nécessaires à la recherche. Considérant le décalage horaire, la publication a été mise en ligne à 8h30 le matin du 7 novembre. À peine deux heures plus tard, quelqu’un avait reconnu son frère sur la photo. À 10h55, elle reçoit ce message de l’agence: «Simona, je te donne une bonne nouvelle. Ta famille a été retrouvée ici en Roumanie. Ils sont très émus, ils sont impatients de prendre contact avec vous.»
«J’étais sous le choc, se souvient-elle. Je n’en revenais pas. En l’espace de deux heures, ils les avaient retrouvés.»
Un cadeau de Noël inespéré
Pour dissiper tous ses doutes, Simona a demandé à faire un test d’ADN avec sa mère en Roumanie.
«Quand j’ai fait le test, j’ai eu beaucoup d’émotions. J’étais nerveuse. J’espérais que je n’étais pas en train de faire une gaffe», raconte celle qui a vu sa vie bouleversée à partir de cette journée.
Tous les jours, Simona s’arrête à la boîte postale avec le cœur serré, espérant trouver les résultats qui lui confirmeraient – ou non – ce lien maternel. Ce n’est que le 23 décembre que cette fameuse enveloppe l’attendait sagement au fond de la boite.
«J’ouvre la porte et je vois une seule enveloppe. Il était écrit Toronto. Je me suis mise à crier! C’était comme si je venais de gagner à la loterie!»
Entourée de sa famille, Simona a ouvert cette précieuse lettre, lui confirmant que tous les marqueurs étaient compatibles… elle venait de retrouver sa mère biologique.
Le 24 décembre dernier, la jeune femme s’est offert tout un cadeau de Noël, un appel vidéo Shawinigan-Roumanie. Dès qu’elle a posé les yeux sur elle, sa mère s’est effondrée. «Quand l’appel s’est ouvert, ma mère biologique m’a vue et s’est mise à pleurer», ajoute-t-elle.
Dans cet appel vidéo, mais aussi dans des dizaines d’autres échanges depuis ce jour, elles tentent de rattraper le temps perdu. «Elle m’a expliqué que mon père biologique ne voulait pas reconnaitre sa paternité et qu’elle avait une vie misérable à ce moment. Elle m’a dit qu’elle n’avait pas les moyens de me nourrir trois fois par jour et que la seule solution qu’elle a vue c’était de m’amener à la maison pour enfants.»
À l’âge de 1 an, Simona a été placée dans une «maison pour enfants», un orphelinat roumain. Sa mère, avec son grand frère âgé de quatre ans de plus, venaient la visiter toutes les semaines. Deux ans ont passé ainsi dans cet orphelinat. Un jour, l’établissement lui a fait signer un papier. Sans trop comprendre ce que cela signifiait, elle venait de s’engager à mettre sa fille en adoption. Elle a réussi à serrer son enfant dans ses bras une dernière fois et prendre ces précieuses photos, avant de lui faire ses adieux.
«Elle ne me l’a pas dit tel quel, mais j’ai eu l’impression qu’elle avait toujours eu espoir de venir me rechercher un jour à la maison pour enfants.»
Enfin des réponses!
Simona est née un certain 24 janvier 1992, à Brasov. Si elle a grandi au Québec au sein d’une famille heureuse, remplie d’amour, la jeune femme a toujours vécu avec ce sentiment étrange de ne pas savoir.
Tous les ans à son anniversaire, elle avait une pensée pour sa mère biologique et se demandait intérieurement si cette dernière se souvenait d’elle. C’est avec émotions et une pointe de soulagement qu’elle a récemment appris que cette même journée à des milliers de kilomètres de là, sa mère et son frère soufflaient les bougies d’un gâteau de fête… en souvenir d’elle. Ils faisaient le vœu qu’elle mène une vie heureuse, où qu’elle se trouve.
«Ça me touche beaucoup parce que j’ai la preuve qu’elle m’aime, confie Simona. Elle ne m’a pas mise en adoption parce qu’elle ne voulait pas de moi ou qu’elle ne m’aimait pas.»
«On a 25 ans à rattraper!»
– Simona Chouinard
Faire une place à sa deuxième famille
Maintenant qu’elle connait sa famille biologique, Simona Chouinard ne cache pas qu’elle aimerait bien les rencontrer en personne, dans un horizon de deux ans environ. Mais d’ici là, elle doit se mettre à l’apprentissage de la langue anglaise!
Aussi, elle a découvert qu’elle a une petite sœur en Roumanie, aujourd’hui âgée de 18 ans. «Il faut que je m’habitue, car ça fait encore bizarre, concède-t-elle. Aussi, du jour au lendemain, j’ai appris que j’ai une petite sœur de 18 ans, ça fait drôle!»
Et si elle se fait peu à peu à l’idée d’avoir une deuxième famille, Simona a souvent ressenti le besoin de justifier sa démarche à ses parents et son frère. «J’ai souvent parlé à mes parents adoptifs, je leur disais: j’espère que tu comprends que je veux les retrouver, mais que vous restez mes vrais parents. Que ça ne changera jamais.»
Évidemment, ses parents savaient que leur fille allait se poser des questions toute sa vie sur ses origines. Ils comprenaient très bien ce besoin et l’ont accompagnée dans ses recherches dès le début. «C’est grâce à ma mère Monique si j’ai trouvé cette page Facebook!», rappelle Simona. Aussi, le conjoint de ma mère, André, parle très bien anglais et il m’aide pour traduire dans les appels vidéo», ajoute-t-elle.
Une petite fille marquée
Être adoptée à l’âge de trois ans, ce n’est ni facile pour l’enfant, ni pour les parents. Inévitablement, Simona avait été marquée par son passage à l’orphelinat.
«Mes parents adoptifs m’ont raconté que quand ils sont venus me chercher en Roumanie, je voulais toujours marcher, je buvais énormément d’eau, je cachais ma nourriture.»
Elle allait aussi rejoindre son frère Frédéric dans sa chambre pour dormir en haut dans son lit superposé, sans matelas. «Je me sentais plus en sécurité sur une planche de carton, avec un autre enfant. Je dormais mieux là que sur mon lit dans ma chambre.»
Même si on ne pourra jamais le confirmer, on suppose que les conditions à l’orphelinat ne devaient pas être idéales. Les enfants étaient peut-être restreints à leur lit souvent, rationnés en eau et nourriture, etc.