Les comptables humanitaires

Étienne Lafrenière et Marilyne Laberge de retour d’un séjour d’un an en Haïti

COEUR. Renoncer à un emploi à plus de 60 000$ pour venir en aide des étudiants en Haïti, voilà l’irrésistible appel auxquels ont répondu un Shawiniganais et sa conjointe.

Oubliez l’image du comptable austère en complet trois pièces, Étienne Lafrenière et Marilyne Laberge sont plus du type à voyager en dehors des circuits touristiques, avec un sac à dos et dormir chez l’habitant. Bacheliers en administration de l’UQTR, ils travaillaient tous deux chez la firme Malette jusqu’à l’été 2017, moment où ils quittent leur emploi pour participer à un projet de coopération volontaire en Haïti d’une durée d’un an.

«C’était une belle occasion, explique Marilyne. Nous n’avions pas d’enfants, pas de maison. Moi, mon contrat se terminait tandis qu’Étienne a remis sa démission en se disant qu’il allait s’en retrouver une autre au retour. On a toujours aimé le voyage d’aventure, sortir de notre zone de confort.»

«Ça change une vie. Tu ne vois plus le monde de la même façon.» – Marilyn Laberge

En Haïti, le couple est chargé de venir en aide à une coopérative agricole située à La Montagne, dans la région de Jacmel. «Au départ, nous devions structurer l’organisation, mettre en place un système de facturation, montrer comment faire des états financiers. Mais on a décidé de s’impliquer davantage en donnant des cours en gestion, en comptabilité et en entrepreneuriat.»

Pour se rendre jusqu’à la coopérative située à 45 minutes de Jacmel où ils habitaient, Étienne et Marilyne devaient enfourcher une moto et parcourir la distance sur des chemins rocailleux qui leur semblait bien loin de la sécurité qu’offrait l’autoroute 55. «Un soir que nous étions sortis pour se promener, nous nous sommes fait attaquer par un homme armé d’une machette. Étienne lui a remis son cellulaire puis comme il était âgé, on s’est sauvé en courant.»

S’enrichir sur le dos de la misère

Malgré cet épisode, celle qui enseigne aujourd’hui en administration au Cégep de Victoriaville est tombée en amour avec les Haïtiens. «C’est un peuple qui valorise beaucoup d’éducation, la plupart des enfants savent lire et connaissent très bien l’histoire de leur pays. Quand tu prends le transport collectif, ils argumentent sur toutes sortes de choses, tout le monde a une opinion.»

Étienne et Marilyne en compagnie de leur groupes d’étudiants en Haïti.

La jeune femme originaire de Québec a également pu constater que l’aide humanitaire est aussi un business en Haïti. «Il y a des gens qui gagnent 200 000 euros par année à faire du volontariat là-bas. Ils habitent dans des immeubles, font la fête, mangent dans de bons restos. À côté de ça, tu vois le peuple haïtien qui meurt de faim», raconte-t-elle sur un ton révolté.

Si cette expérience enrichissante leur a fait découvrir une nouvelle culture, elle a par-dessus tout ébranlé leurs valeurs. «Il y a un gros questionnement sur le sens de ce qu’on fait ici, précise-t-elle. Là-bas, tu travailles avec des jeunes, tu les pousses à faire mieux, apprendre des choses. Ton travail a beaucoup de sens, de reconnaissance d’une certaine façon. Ici, tu vas présenter des chiffres, des états financiers pour des compagnies qui font des millions chaque année.»

Aujourd’hui, elle dit s’ennuyer de ces gens comme cette vieille dame à Jacmel qui vendait de la nourriture au coin de la rue. «Là-bas, il y a une belle solidarité. Tu vas au marché et ils t’appellent par ton nom en te demandant comment ça va. Ils ont hâte de te voir parce que ça fait une semaine que tu n’es pas venu. Ici, je me rends au Wal-Mart pis la personne à la caisse ne me connaît pas et elle s’en fout carrément. C’est un autre monde», termine-t-elle.

SUCO

Le projet de coopération volontaire d’Étienne Lafrenière et Marilyne Laberge était parrainé par SUCO (www.suco.org), un organisme canadien de coopération et de solidarité internationales dont la mission est d’améliorer les conditions sociales, économiques et environnementales prévalant dans les pays en développement. «C’était sécurisant de faire ce projet avec SUCO qui veille sur notre sécurité. Ils en ont vu d’autres. S’il y avait des risques d’ouragan, ils veillaient à nous mettre en sécurité», explique Marilyne Laberge.