Les intrépides aventuriers de la route 155 Nord

HISTOIRE. Il y a 70 ans, un groupe de cinq jeunes téméraires réussissait l’exploit insensé de relier ­La ­Tuque à ­Chambord, au lac ­Saint-Jean, alors que la route 155 ­Nord n’existait pas encore…

À bord d’une ­Hudson ­Jet 1953 pratiquement neuve, ­Roland ­Ménard, son frère ­Léo et leurs amis ­Claude ­Cayer, ­Majorique ­Pruneau et ­Hervé ­Tremblay prennent la route en ce début d’­après-midi du 22 décembre 1954 alors qu’une tempête s’annonce. Comme de fait, plus de 14 pouces de neige s’apprêtaient à tomber dans les 24 heures suivantes.

Premier arrêt des jeunes intrépides : l’église de ­La ­Bostonnais pour aller saluer le curé, mais surtout, pour allumer quelques lampions. Après quelques heures de route, sans trop voir devant, les aventuriers font une halte pour mettre des chaînes sur les quatre roues de la voiture.

«  ­Il y avait tellement de neige au sol qu’on la grattait et elle se ramassait sur le moteur qui arrêtait tout le temps. On n’avait plus de batterie et les vitres étaient gelées. Nous n’avions aucune idée si on était plus près de ­La ­Tuque que de ­Lac-Bouchette  », se rappelle ­Roland ­Ménard, âgé aujourd’hui de 90 ans et seul survivant de cette épopée.

Après une nuit dans la voiture, ­Roland ­Ménard et un de ses amis décident de partir à pied pour chercher du secours. Après quelques heures de marche, non sans découragement par moment, les deux jeunes hommes arrivent dans une maison qu’ils apprendront être située à ­Lac-Bouchette. «  ­Ils nous a donné à manger, mais il ne nous croyait pas quand on lui disait qu’on arrivait de ­La ­Tuque. C’est impossible, il n’y a pas d’auto qui passe là !  »

C’est finalement avec l’aide d’un voisin équipé d’un snowmobile, mais lui aussi très sceptique quant à la version de ­Roland ­Ménard, qui part à la recherche de la ­Hudson ­Jet, mais surtout, de ses trois occupants. «  ­On a finalement retrouvé la voiture sous une butte de neige. Le monsieur n’en revenait pas. Il est retourné chez lui pour aller chercher son tracteur pour nous tirer de là  », se souvient le ­Latuquois qui habite maintenant en résidence à ­Shawinigan.

L’auto de nouveau fonctionnel, les cinq aventuriers poursuivent leur route jusqu’à ­Alma où demeurent les ­grands-parents des frères ­Ménard. «  ­Aucun de nous cinq n’avait averti ses parents de ce qu’on allait faire. C’est juste rendu à ­Alma que mes amis ont téléphoné à leur famille pour les informer.  » ­Du départ de ­La ­Tuque le 22 décembre jusqu’à l’arrivée à ­Alma le 24 décembre, il se sera écoulé environ une quarantaine d’heures.

Se considérant chanceux d’être encore en vie et ne voulant pas tenter la chance, les cinq ­Latuquois traverseront le parc des ­Laurentides puis la ­Ville de ­Québec pour revenir en ­Mauricie. Le 9 janvier 1955, un groupe de quinze voitures décide à leur tour de faire la distance ­La ­Tuque – ­Chambord. Parmi eux, un certain ­Roland ­Ménard, mais cette ­fois-ci, sans ses quatre amis qui n’étaient pas encore remis de leurs émotions…