Librairie Matteau: la fermeture d’une institution

HISTOIRE. Lorsqu’il a refermé une dernière fois la porte derrière lui le 31 mars dernier, c’est plus qu’à un commerce que Gilles Matteau faisait ses adieux, c’est à une partie de sa vie et à une institution qui a marqué l’histoire de l’ancienne ville de Grand-Mère.

Faute de relève, le sympathique commerçant avait prévu tirer sa révérence en juin mais la crise du coronavirus a devancé ses plans. «Lorsque Loto-Québec a décidé de fermer ses terminaux le 20 mars, l’achalandage s’est mise à diminuer et puis le gouvernement a ordonné la fermeture des commerces», raconte l’homme de 74 ans au bout de la ligne.

La nouvelle s’est propagée à Grand-Mère presqu’aussi vite que ne le fait la propagation du COVID-19. «La dernière journée, ça n’a pas arrêté. Tout le monde venait me voir. Ils me disaient:  »M. Matteau, on a vu ça! Ça n’a pas d’allure! »»

C’est que la Librairie Matteau a été l’un des témoins privilégiés de la vitalité commerciale de Grand-Mère à une certaine époque. Pour dire vrai, elle en a été parfois la dynamo. «C’est un de mes oncles qui avait parti ça dans les années 50, se rappelle Gilles Matteau. Sa femme tenait le commerce mais elle était décédée dans un accident d’auto. Il était venu voir mon père qui opérait la Fonderie Grand-Mère pour lui demander s’il voulait s’essayer.»

C’est finalement le fils qui a pris la relève. «Je travaillais le jour à la fonderie et le soir à la librairie. J’ai fait ça six mois et j’aimais ça. Je pouvais être indépendant.» Finalement, le 3 mars 1970, Gilles Matteau prend officiellement les rênes du commerce.

Le point de rendez-vous de la 6e avenue

«À une époque, les gens s’appelaient pour se donner rendez-vous devant la Librairie Matteau. Surtout les jeudis et vendredis soirs, c’était plein de monde devant les vitrines. C’était LA place sur la 6e avenue», se souvient le commerçant.

À tel point qu’à l’occasion, le propriétaire devait sortir dehors pour faire circuler les gens et laisser entrer la clientèle. «Ça venait voir le beau monde qui venait acheter des magazines», lance-t-il en riant. Les revues, c’était d’ailleurs ce qui distinguait la Librairie Matteau. «Dans les bonnes années, je pouvais en vendre entre 19 000 et 20 000 par mois», évoque-t-il.

«Quand tu rentrais, toutes mes revues étaient placées sur la coche. C’est ça qui faisait ma fierté. Quand tu aimes ton magasin, ça déteint sur le monde pis ils sont contents de venir.»- Gilles Matteau

La retraite n’angoisse pas une miette cet homme qui s’est toujours maintenu en forme par la course à pied et le vélo. «J’avais un rituel avec ma conjointe l’année de mes 50 ans. J’ouvrais la librairie à 6h30 et elle arrivait vers 11h. Je partais manger un spaghetti et je faisais l’aller-retour au parc national. J’ai fait ça 40 fois cet été là pour 11 000 km de vélo», sourit-il.

Sa conjointe Hélène Massicotte Matteau a contribué aussi rappelle-t-il au fait que la Librairie Matteau soit devenue une institution commerciale dans la région. «Elle y a travaillé durant 27 ans. Elle était là durant les après-midis avec son cercle féminin.» «Quand j’y pense, ça va être une affaire familiale ma retraite: le parc national, le vélo, mes petits-enfants», termine celui qui incarne mieux que quiconque la fierté d’un Grand-Mère d’autrefois.