Louis-Gérard Dallaire: l’homme qui cultivait des bonsaïs
PASSION. Il y a autant de chances de croiser l’homme fort Hugo Girard à un concert de musique classique que d’échanger avec un délégué syndical sur sa passion pour les bonsaïs…
Louis-Gérard Dallaire esquisse un sourire, reconnaissant que peu de ses clients le confondent avec le syndicaliste qui a négocié durant une vingtaine d’années des contrats de travail avec Rio Tinto Alcan à l’aluminerie de Shawinigan.
Cette passion méconnue du grand public lui vient d’un cadeau offert par sa conjointe il y a 20 ans. «Elle m’a donné un bonsaï et j’avais de la misère avec. J’ai été suivre une formation et de fil en aiguille, nous avons ouvert une boutique en nous disant que ça serait un beau projet de retraite.»
«Nous ne sommes que le gardien de l’arbre. Comme un mélèze peut vivre 250 ans, faut que je pense que je vais devoir éventuellement passer la puck à un autre» – Louis-Gérard Dallaire
Lancé il y a 15 ans, Art et Culture Bonsaï écoule aujourd’hui grâce à Internet sa marchandise partout au Québec et même dans l’Ouest canadien. «Il y a un Japonais à Vancouver qui a fermé son commerce et une bonne partie de sa clientèle s’approvisionne chez nous. Disons que cette passion nous occupe 40 heures par semaine maintenant.» La boutique de la 105e rue à Shawinigan est devenue aujourd’hui l’un des plus importants importateurs au pays d’outils, substrats et pots servant aux amateurs de bonsaï.
Une culture délicate
Pour les puristes, le bonsaï est une œuvre d’art. «C’est un art visuel», précise Louis-Georges Dallaire. «Tu travailles avec une matière vivante. C’est très créatif comme passe-temps. Tu décides des branches que tu conserveras, de la forme que tu leur donneras.» Maintenues durant des années par des fils d’aluminium ou de cuivre comme un plâtre, les branches figeront dans ces poses difformes et dramatiques caractéristiques des styles développés par les maîtres bonsaïstes japonais.
«C’est une culture délicate qui demande beaucoup de rigueur et de patience, explique le Shawiniganais. Je dois aller le voir quotidiennement pour voir s’il manque d’eau. Si tu pars pour deux ou trois jours, tu dois trouver un bon voisin pour venir le nourrir. C’est un peu comme un chien», poursuit celui qui fait lui-même du »gardiennage d’arbres » pour les propriétaires en vacances.
Un bonsaï est en fait un arbre recueilli en pleine nature pour le mouvement de son tronc. On le miniaturise par la suite en taillant ses branches et ses racines et en le transplantant dans de petits contenants qui éliminent son expansion. «Le pot peut l’accompagner toute sa vie. C’est comme le cadre autour du tableau.»
Au Japon, des bonsaïs cultivés par des maîtres peuvent se vendre plus d’un million$. Au Québec, le marché n’est évidemment pas aussi spécialisé mais certains spécimens matures peuvent valoir plus de 1500$.
Lorsque nous l’avons rencontré, le retraité d’Alcan travaillait sur un mélèze recueilli sur la Côte-Nord. «Là-bas, un arbre prend environ 80 ans pour grossir d’un pouce de diamètre. Ça veut dire que celui-ci à environ 150 ans. Disons que nous ne travaillons pas sur la même échelle de temps», sourit le syndicaliste.
Après des journées difficiles de négociation à l’usine Shawinigan, Louis-Gérard Dallaire aimait se retrouver dans son jardin de bonsaïs pour faire redescendre la pression. «Au départ, j’ai un tempérament calme, je ne suis pas un nerveux, raconte-t-il. Ce n’est pas la culture des bonsaïs qui m’a fait comme cela. Je dirais plutôt qu’ils représentent ma personnalité finalement.»