Pilois un jour, Pilois toujours

APPARTENANCE. Ils n’ont pas l’amertume des Grand-Mérois dépossédés de leur nom; le ton revendicateur des Tortulinois éternellement insatisfaits; mais les Pilois ont trouvé une façon originale d’afficher leur attachement à leurs racines: l’afficher fièrement sur le devant de leur propriété…    

Dans le secteur Saint-Jean-des-Piles depuis le 20 novembre, impossible de ne pas apercevoir, plantés sur les parterres ou accrochés aux maisons, des fanions et des drapeaux arborant le logo de l’ancienne municipalité fusionnée à Shawinigan en 2002.

«Il y a deux ans, un homme de 93 ans né ici m’avait dit: il ne faut pas que le nom de Saint-Jean-des-Piles disparaisse, il faut que ça reste», lance Lucille Trudel à la tête de ce mouvement d’affirmation identitaire.

Regroupés au sein d’une grande ville de 50 000 habitants, les quelque 750 résidents du secteur n’ont jamais oublié leurs racines. «Saint-Jean-des-Piles, ce n’est pas Shawinigan, c’est Saint-Jean-des-Piles. Nous ne sommes pas des Shawiniganais mais des Pilois!», clame celle qui coprésidait les fêtes du centième anniversaire de la municipalité en 1997.

Le sentiment d’appartenance a toujours été là mais il a subi un électrochoc lorsque le ministère des Transports a retiré en 2017 le panneau  »Saint-Jean-des-Piles », à la sortie 226 de l’autoroute 55, pour le remplacer par un panneau comportant l’inscription  »Ch. du Parc-National / Grand-Mère (8e rue) ». «Cela a été la goutte qui a fait déborder le vase», pointe Lucille Trudel.

Lucille et Alain Trudel affichent même leur sentiment d’appartenance envers Saint-Jean-des-Piles jusqu’à leur plaque sur le devant de leur voiture.

Un mouvement appuyé par les jeunes

L’idée que les résidents du village affichent fièrement leur identité est ainsi revenue à l’avant-plan ces derniers mois. Jimmy Deschênes, propriétaire de l’atelier Forgeron.com, avance tout d’abord la somme de 1500$ pour permettre de financer la conception des drapeaux et des fanions. Le jeune entrepreneur est né à Saint-Jean-des-Piles où son père a fondé son atelier de forge en 1979 au centre du village.  Il est alors décidé d’utiliser le logo créé par le lettreur André Bibeau en août 1980 et qui a servi à identifier la municipalité les 20 années suivantes. C’est le fils de ce dernier, demeurant à Québec mais né au village, qui s’est occupé de trouver une boîte en mesure de fabriquer les étendards.

«Quand on a annoncé leur mise en vente, les grands drapeaux sont partis en cinq minutes et il ne nous reste qu’une dizaine de fanions à vendre», souligne Mme Trudel qui s’est dite surprise de constater que ce sentiment d’appartenance était partagé par les jeunes familles venues s’établir dans le secteur ces dernières années.  Certains ont questionné la couleur noire utilisée mais elle a allure de symbole explique la Piloise. «C’est la couleur du deuil. C’est ce qu’on est: en deuil de notre nom.»

L’Auberge Aux Goglus a été l’un des premiers à suspendre l’étendard de Saint-Jean-des-Piles.

Pour accentuer l’impact, il a été décidé que tout le monde planterait et installerait ses fanions et drapeaux le 20 novembre. «On ne remet pas en cause la fusion d’il y a vingt ans. On sait qu’on fait partie de Shawinigan et que c’était peut-être pour le mieux dans le temps», souligne celle qui prend le soin de souligner que Nancy Déziel s’est toujours montré une conseillère à l’écoute des gens du secteur.

Lucille Trudel fait remarquer que beaucoup de touristes qui visitent le parc national s’arrêtent au village pour demander la direction du… parc. «Ils empruntent le Chemin du Parc-National à la sortie 226 qui se transforme en Chemin de Saint-Jean-des-Piles quelques kilomètres plus loin. Ils ont l’impression d’avoir dépassé le parc. On aurait dû mettre le nom de Saint-Jean-des-Piles dès la sortie de l’autoroute et lui donner le nom de Parc-National à la sortie du village», termine la fière Piloise.